Quoi de plus durable qu’’une construction en pierre ? Des pyramides aux cathédrales, en passant par les hôtels particuliers ou les bâtiments officiels de la fin du 19e siècle, de nombreux monuments sont là pour attester de la pérennité de ce matériau, souvent associé de ce fait aux valeurs de l’’éternel, de l’’immuable. Pourtant, la pierre ne peut se contenter de vivre sur sa réputation : comme tout matériau, elle doit désormais démontrer qu’’elle est compatible avec les exigences du développement durable. Quelles sont les pierres utilisées principalement dans la construction ? On distingue plusieurs types de roches. Les roches sédimentaires d’’abord, formées, comme leur nom l’indique, par l’’accumulation de sédiments : ce sont les calcaires, généralement faciles à travailler, et les grès. Viennent ensuite les roches magmatiques (aussi appelées roches ignées), comme les granits et les basaltes, issues du refroidissement du magma du manteau terrestre. Puis on trouve les roches métamorphiques, produits de la recristallisation de roches magmatiques ou sédimentaires sous l’’effet de la chaleur et de la pression des sols ; l’’ardoise et le marbre sont les plus connues. Ces deux dernières familles de roches – magmatique et métamorphique – présentent la caractéristique de pouvoir donner des surfaces polies. Un matériau contemporain Au 21e siècle, la construction en pierre n’’est pas morte.Pour Gilles Perraudin, de l’’agence Perraudin Architectures,  les préoccupations environnementales lui redonnent même un avenir certain : « La pierre naturelle répond de façon exemplaire et étonnante aux contraintes environnementales actuelles. C’’est un véritable matériau écologique, car elle n’’utilise aucune énergie pour sa fabrication (elle existe à l’’état naturel), aucun produit chimique n’’entre dans sa composition et elle demeure stable après des siècles d’’utilisation. » Présente en grandes quantités et déjà fabriquée, la pierre ne requiert que peu d’’énergie pour être extraite. Assemblée à sec, elle offre une grande rapidité d’’exécution et ne produit pas de déchets sur le chantier. « Elle peut être constamment réutilisée et l’’histoire de l’’architecture est pleine de réalisations faites à partir de pierres empruntées à d’autres édifices », ajoute l’’architecte. ­Gilles ­Perraudin a d’’ailleurs livré un chai en pierre, en 2007, à Solan, près d’’Uzès, montrant par l’’exemple la compatibilité de ce matériau avec des ambiances sensibles du point de vue sanitaire ; il termine également un immeuble de logements collectifs THPE, toujours en pierre, à Lyon. Dans ce dernier cas, la performance énergétique est obtenue par toute une série de dispositifs, dans lesquels la pierre joue un faible rôle. Son coefficient d’’isolation n’’est pas très élevé, et l’’inertie qu’’elle peut apporter n’’est pas prise en compte dans les calculs thermiques. Sur ce point, des recherches vont être engagées par le ­CTMNC (Centre technique des matériaux naturels de construction) pour mieux qualifier les apports en inertie thermique. Des FDES pour mieux connaître la pierre Les fiches de déclaration environnementales et sanitaires  (FDES) permettent de mieux appréhender le positionnement écologique de la pierre. Trois études complètes, portant sur une douzaine de cibles identifiées sur l’’ensemble du cycle de vie du matériau, ont été déposées sur la base de données INIES. Elles portent sur l’’évaluation de quatre types de pierre, dans trois mises en oeœuvre différentes : le grès des Vosges dans la maçonnerie de mur double, le calcaire ferme de Bourgogne posé en pierre agrafée, le granit de Bretagne et le calcaire dur du Sud utilisés en revêtement de sol. Ces analyses de cycle de vie (ACV) étudient différents paramètres, dont la consommation d’’énergie primaire, la consommation d’’eau, les émissions de CO2, la production de déchets, tout au long de la vie du produit (du berceau à la tombe). Elles montrent que la phase de production est déterminante en termes d’’impact environnemental : celle-ci représente en effet entre 70 et 90% de l’’énergie  consommée, entre 40 et 90% de l’’eau consommée, 65 à 85% des émissions de CO2, 75 à 100% des déchets produits. Une partie du bilan concerne les consommables, c’’est-à-dire le matériel nécessaire à l’’extraction et au sciage, une opération qui produit aussi des boues chargées de matériaux. Le CTMNC a promis une transparence totale sur la question, mais n’’a pas encore diffusé le résultat de ses études. Une surprise révélée par les ACV provient de l’’impact environnemental de la partie « transport ». Si la France compte des carrières fournissant les principaux types de roches (calcaires en Bourgogne-­Franche-­Comté, Provence, Poitou-­Charente et Picardie, granit en Bretagne et dans le Tarn, grès en Alsace, ardoises dans les pays de la Loire), et se place au douzième rang mondial de la production, la balance commerciale du secteur reste déficitaire. Les importations comptent pour 450 millions d’’euros, soit trois fois plus que les exportations. Une partie des matériaux vient donc de pays lointains, notamment de Chine et d’’Inde. On pourrait alors penser que l’’impact des transports grève le bilan des pierres importées : le déplacement d’’un mètre cube de granit sur 400 kilomètres, de la Bretagne à Paris, émet 2000 grammes de CO2 tandis que le même chargement transitant entre la ville chinoise de Fujian et Paris, soit un parcours de 9400 kilomètres, en produit quant à lui 8000 grammes ! La part de transport par route étant identique, le transport maritime  émet de son côté 6000 grammes pour une distance de 9000 kilomètres. La tonne transportée par cargo est donc dix fois moins émettrice de gaz à effet de serre que celle déplacée par la route. Mais si l’’on passe du simple au quadruple en termes d’émissions de CO2, la quantité d’’énergie consommée par le transport ne représente qu’’une part très négligeable dans le bilan global. Face aux matériaux concurrents Comparée à d’’autres matériaux remplissant des fonctions similaires, la pierre apparaît plutôt bien positionnée. Face au bardage acier simple peau, la pierre mince attachée aurait une longévité double, ne demanderait qu’’un nettoyage tous les cinquante ans, là ou l’’entretien du bardage consomme un litre d’’eau/m2 tous les deux ans. Sur l’’ensemble du cycle de vie, la consommation d’’eau est d’’ailleurs doublée pour le bardage, qui reste cependant moins gourmand en énergie primaire sur le total de son cycle de vie (3MJ contre 4,5 pour la pierre) tout en émettant également moins de CO2 (195 grammes contre 220 grammes pour une unité fonctionnelle d’un mètre carré de façade). Dans le domaine des revêtements de sol, les études mettent en évidence un net avantage du pavé pierre sur le pavé béton, celui-­ci étant moins bien placé sur le plan des émissions de gaz à effet de serre, de production de déchets et de consommation d’’eau. Les résultats donnés par les FDES démontrent les qualités environnementales de la pierre ; ils devraient aussi servir de guide à la filière, qui va désormais chercher à agir sur les talons d’’Achille que sont les consommations de tout ordre, survenant en phase de production. En revanche, ces fiches restent muettes sur l’’état de la ressource, naturelle mais non renouvelable. Quid des réserves des carrières et des stocks de matériaux disponibles ? Ce point mérite d’’être clarifié, autant que ceux touchant aux questions de production et d’’énergie. Le marché de la pierre Selon le CTMNC (Centre technique des matériaux naturels de construction), les calcaires et les granits représentent à eux seuls 90% des 550000 mètres cubes de matériaux extraits chaque année en France. 41% des pierres partent vers la marbrerie funéraire, 51% vers la construction (dont 15% sont utilisés pour les revêtements de sol et 85% pour la maçonnerie ou les vêtures de façade). Pour en savoir plus Le Centre technique des matériaux naturels de construction a préparé les FDES déposées dans la base INIES et s’occupe de toutes les questions touchant la construction pierre. www.ctmnc.fr