Le Premier ministre, Edouard Philippe, a demandé à la Cour des comptes un audit pour évaluer la situation actuelle des comptes publics. Selon le rapport, le déficit public dépassera l’objectif de 0,4 point de PIB, pour atteindre 3,2 points, soit un dérapage de 8 milliards d’euros. Elle préconise de reporter ou annuler toutes les mesures d’accroissement de dépenses publiques non encore mises en œuvre, et de prendre des mesures d’économies supplémentaires portant sur toutes les administrations publiques. Parmi les mesures de restriction, les aides fiscales aux logements privés qui sont pointées du doigt pourraient faire l’objet de remises en question.

Selon la cour, TVA à taux réduit, dispositifs Scellier intermédiaire ou Duflot-Pinel, PTZ+, PEL, qui sont censées faciliter l’accès à la propriété, encourager la production de logements locatifs et la réalisation de travaux ont une efficacité incertaine. Elles engendrent des effets d’aubaine et leur impact économique sur le secteur du bâtiment apparaît sans rapport avec leur coût.

La TVA à taux réduit sur les travaux : une efficience douteuse
Le plus important des avantages fiscaux est le taux réduit de TVA appliqué aux travaux effectués dans des logements achevés depuis plus de deux ans. Cette dépense fiscale, déjà critiquée dans le rapport de 2012, représente un dispositif coûteux et à l’efficacité non évaluée. Son coût, évalué à 5,2 Md€ pour 2016, paraît particulièrement élevé comparé à son impact sur l’emploi et l’économie : selon le Gouvernement, cette dépense aurait un effet sur l’activité et l’emploi estimé respectivement à 2 Md€ et environ 27 000 emplois. Chaque emploi créé ou préservé coûterait en conséquence à l’État plus de 192 000 € et 1 € de dépense fiscale induirait 0,4 € d’activité.
Dans sa communication au Sénat relative aux dépenses fiscales liées au développement durable, la Cour soulignait par ailleurs l’effet d’aubaine très élevé du taux de TVA réduit pour les travaux d’amélioration de la qualité énergétique du logement et les travaux induits. Elle soulignait également qu’il n’existe pas de stratégie spécifique de contrôle de ces avantages fiscaux.
La Cour a recommandé que ces avantages soient remis en cause si de nouvelles études n’en démontraient pas l’efficience.

Des avantages fiscaux coûteux qui ne permettent pas de lever les blocages du marché locatif
En raison du désengagement des bailleurs institutionnels, le parc locatif privé est constitué à 98 % par des particuliers. Au cours des trente dernières années, 16 dispositifs d’incitation différents se sont succédé pour soutenir l’investissement privé pour un coût annuel d’environ 2 Md€. Ils permettent aux bailleurs privés de bénéficier de réductions d’impôt en échange d’engagements sur la durée d’investissement, le plafonnement des loyers, les conditions de ressources ou de bénéficiaires variables selon les dispositifs et la localisation géographique. Cette politique de soutien à la construction immobilière est une spécificité de la politique du logement française.
L’émiettement des bailleurs privés individuels, ainsi que l’instabilité et la complexité de ces dispositifs n’ont pas permis de définir un cadre durable et clair pour ces aides à l’investissement. Celles-ci compensent implicitement des obstacles économiques et juridiques à l’investissement locatif, dont la levée pourrait avoir un impact bien supérieur. Elles pèsent durablement sur les finances publiques. La Cour a déjà recommandé de réformer ces aides en les concentrant sur les zones les plus tendues et en fixant des niveaux de loyers réellement intermédiaires entre le logement social et le prix du marché libre. Une voie plus radicale serait de viser à terme l’extinction de l’ensemble de ces dispositifs.

Les aides de l’État en faveur de l’accession à la propriété
Le prêt à taux zéro renforcé (PTZ+) occasionne une dépense fiscale estimée à 1,7 Md€ pour 2016. Selon la cour, il donne lieu à d’importants effets d’aubaine et comporte des risques inflationnistes. La Cour a préconisé de mieux cibler le PTZ+ en le recentrant sur des publics plus modestes. Cette réforme pourrait permettre une économie annuelle supérieure à 0,4 Md€.
La Cour a par ailleurs souligné que les plans et comptes d’épargne logement engendraient une dépense budgétaire de 1,1 Md€ et une dépense fiscale alors évaluée à 0,5 Md€ par an, hors de proportion avec leur taux de transformation en prêts au logement, alors inférieur à 5 %.

 

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