Alors que la construction BBC commence à simposer peu à peu dans notre paysage bâti, de nombreuses opérations récentes ou en cours nhésitent pas à sautoproclamer « bâtiment à énergie positive » ou « bâtiment zéro énergie ». Il est vrai quen labsence de définition officielle et de référentiel établi, il peut être tentant de vouloir afficher, sur un bâtiment déjà exemplaire car peu consommateur, les performances dun bâtiment dexcellence car producteur dénergie. Mais il ne suffit pas de quelques panneaux photovoltaïques sur le toit pour prétendre pouvoir passer de la basse consommation à lénergie positive. Le processus est bien plus complexe et réclame clarification. Cest pourquoi de nombreux acteurs du monde de la construction se penchent sur le sujet.De quoi parle-t-on ?« Dès 2020, tous les bâtiments neufs seront à énergie positive, cest-à-dire quils produiront davantage dénergie quils nen consomment », déclarait Nicolas Sarkozy lors de la restitution des conclusions du Grenelle de lenvironnement. LAssemblée nationale puis le Sénat exprimaient ensuite cette ambition dans le projet de loi de programmation relatif à la mise en uvre du Grenelle : « Toutes les constructions neuves faisant lobjet dune demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2020 présentent, sauf exception, une consommation dénergie primaire inférieure à la quantité dénergie renouvelable produite dans ces constructions… » Cette généralisation des BEPOS est également prévue par la directive européenne de performance énergétique des bâtiments qui avance même léchéance à 2018 pour les bâtiments publics.Face à cette volonté politique ambitieuse, il est légitime que de nombreux questionnements apparaissent : quelle définition donner au bâtiment à énergie positive ? Quels enjeux pour larchitecture des bâtiments de demain et pour lorganisation de la ville ? Quelles techniques construc-tives ? Dans le cadre du PREBAT (Programme de recherche et dexpérimentation sur lénergie dans le bâtiment), un groupe de travail, animé par le CSTB, a fait le point sur ces multiples interrogations.Pour fournir une définition précise et consensuelle, le groupe de travail sest appuyé sur les approches suivies par les précurseurs des premiers bâtiments dits « à énergie positive », sur lanalyse des ordres de grandeur des consommations dénergie primaire dun bâtiment et des différents modes de production dénergie renouvelable, sur les travaux présentés par lADEME etlassociation Effinergie dans le cadre du Grenelle de lenvironnement. Il en ressort la définition suivante, basée sur trois points : Un bâtiment ou un site est à énergie positive sil consomme peu dénergie et si lénergie produite sur le site, grâce aux énergies renouvelables, est supérieure à celle consommée (tous usages confondus) en moyenne sur lannée. Les bâtiments à énergie positive doivent permettre, par leur qualité architecturale, une intégration harmonieuse à la ville. Ils doivent fournir aux utilisateurs un environnement intérieur sûr, sain et confortable, et faciliter des comportements écoresponsables. Enfin, pour que des bâtiments à énergie positive contribuent à la sobriété énergétique globale, ils doivent nécessiter «peu dénergie» pour leur construction, et leur localisation doit aussi nécessiter « peu dénergie » pour le transport de leurs utilisateurs.Les moyens à mettre en uvrePour réaliser un bâtiment à énergie positive, il convient de travailler sur deux axes à la fois : en premier lieu, la réduction des besoins afin dobtenir un bâtiment à basse consommation, puis la réponse à ces besoins par des énergies renouvelables.La réduction des besoins sopère par diverses actions. On se penchera dabord sur lenveloppe du bâtiment (parois, toiture, vitrages…) en intégrant les principes de larchitecture bioclimatique. Dune enveloppe qui permettait de sisoler du froid extérieur, on passe à une enveloppe multifonctionnelle qui permet à la fois de se protéger de lenvironnement extérieur, en hiver comme en été, mais aussi dy puiser lénergie (soleil, air extérieur, sol…). Cette enveloppe associe donc lisolation thermique, la protection solaire, la ventilation, léclairage naturel, la captation de lénergie du soleil, du vent, de lair extérieur et du sol. Elle devient un sujet majeur en termes de conception globale du bâtiment, en association avec des systèmes performants.Ces systèmes performants viennent se substituer aux systèmes classiques de chauffage : pompes à chaleur pour les locaux ou leau chaude sanitaire, remplacement de léclairage incandescent ou fluo par de léclairage à Led régulé automatiquement, des moteurs de pompes ou de ventilateurs peu efficaces par des moteurs à haute efficacité bien régulés Exploiter les énergies renouvelables sur le siteSi lon schématise, le bâtiment à énergie positive est en fait un bâtiment passif très performant, auquel sajoutent des moyens importants de production dénergie propre. Quatre sources principales dénergies renouvelables peuvent être collectées directement sur le site : le solaire pour le chauffage de leau chaude sanitaire, la climatisation et la production délectricité ; le vent pour la ventilation naturelle, la climatisation et la production délectricité ; lair extérieur pour le chauffage et la climatisation, soit par usage direct, soit via des pompes à chaleur ; lénergie du sol pour le chauffage et la climatisation, soit par usage direct (puits climatique), soit via des pompes à chaleur.Il sagit donc daccroître lefficacité et de réduire les coûts des systèmes de production. Leur intégration technique et architecturale doit se faire dans lenveloppe du bâtiment, ainsi que les systèmes de stockage de chaleur et délectricité. Les outils de gestion du paquet « génération, stockage, utilisation » doivent permettre dutiliser en priorité lénergie renouvelable.« Plus de matière grise pour moins dénergie grise »Énergie grise et transports, tels sont deux autres enjeux majeurs dans la réalisation dun BEPOS. « Plus de matière grise pour moins dénergie grise », lit-on sur le site de la tour Elithis, à Dijon, lun des premiers bâtiments à énergie positive en France. Rien ne sert, en effet, de réaliser un bâtiment ultraperformant sil nécessite plus dénergie pour sa conception que pour son exploitation. Les concepteurs ne devront donc pas sarrêter à la seule prise en compte des consommations dénergie pendant lexploitation du projet, mais viser lensemble du cycle de vie. Il faut maîtriser les impacts environnementaux en généralisant les analyses de cycle de vie (ACV) sur les produits de construction, en concevant des produits et des systèmes à faible impact environnemental, le tout dans le but de susciter une écoconception de tous les dispositifs innovants qui se développeront.Et cette approche globale devra aller jusquà intégrer une réflexion sur le transport. Bâtir un BEPOS au milieu de nulle part est une ineptie si lon considère lénergie dépensée par ses occupants pour sy rendre en voiture ! Sur ce plan comme sur dautres aspects, on constate que la difficulté pour atteindre lobjectif « positif » varie très fortement dun bâtiment à un autre. Une tour de bureaux près dune station de transport collectif permettra de réduire les consommations pour les transports, mais pourra conduire à de fortes consommations pour construire le bâtiment. Un logement situé au bord de la Méditerranée atteindra plus facilement lénergie positive quun logement équivalent situé dans une région froide et peu ensoleillée. Une maison individuelle accédera plus facilement quun immeuble collectif à léquilibre entre consommation et production locale ; elle a en effet une consommation dénergie au mètre carré plus limitée et une surface de toit par mètre carré nettement plus importante, en proportion, pour capter lénergie solaire…Ces exemples montrent bien la diversité des situations, une diversité à prendre en compte dans la mise en place dun éventuel label BEPOS. Ce label pourrait sadapter aux différents types de bâtiments et aux différents contextes climatiques et urbains, et comporter éventuellement une ou des étapes intermédiaires. Car il est bien évident que lambition de lénergie positive ne pourra se généraliser dun seul coup à tous les bâtiments.Frédérique MarguierAvec le BEPOS, on change dunivers…Les ponts thermiques prennent le pas sur lisolation en partie couranteLes déperditions par les défauts détanchéité sont supérieures à celles du système de ventilation (double flux avec échangeur)Les besoins de chauffage faibles mais très variables demandentdes systèmes adaptésLes consommations dECS et des autres usages deviennent supérieures aux consommations de chauffageLes problèmes de confort dété et de mi-saison deviennent majeursLe potentiel des ENR est supérieur aux consommations