Le Conseil d’Etat a suspendu l’exécution du décret du 9 mai 2017

L’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation a créé l’obligation de réaliser des travaux d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public avant le 1er janvier 2020. Un décret en Conseil d’État du 9 mai 2017 a prévu les objectifs de réduction de consommations énergétiques à atteindre, le périmètre des bâtiments concernés, et les modalités selon lesquelles ces objectifs devront être atteints, par la réalisation d’études et de plans d’action. Ce décret renvoie à son tour à un arrêté la détermination de certains seuils ainsi que les exigences applicables à la réalisation de certains documents demandés.

Suite à la demande du Conseil du commerce de France, de l’association Perifem et de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de suspendre l’exécution de ce décret du 9 mai 2017, le juge des référés du Conseil d’État a estimé que plusieurs des critiques formulées par les requérants sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de ce décret et que la condition d’urgence prévue par le code justice administrative est remplie. Il a suspendu l’exécution du décret dit « tertiaire ».

Un gâchis pour le Plan Bâtiment Durable

Pour Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable, c’est un « triste périple que celui que connait ce décret ». L’obligation de rénovation énergétique du parc tertiaire public et privé trouve son origine dans l’article 3 de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 et a été prolongée jusqu’en 2050 par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Si cette obligation légale est née sans concertation préalable, sa traduction réglementaire a fait l’objet de multiples échanges entre les acteurs. Tout d’abord, au sein de la mission de préfiguration du texte conduite en 2010-2011 par Maurice Gauchot pour le Plan Bâtiment Durable et dont les conclusions avaient fait consensus. Ensuite aux travers des retours d’expériences suscités par la charte de mobilisation volontaire du parc tertiaire lancée en 2013. Enfin, en 2016, par une consultation très large autour du projet de texte réglementaire. Un parcours toutefois trop long qui est venu mécaniquement raccourcir le délai laissé aux acteurs pour satisfaire la première échéance à 2020, suscitant ainsi les premières réticences.

La rénovation énergétique du parc tertiaire, et spécialement celle du parc tertiaire public, constitue l’une des priorités de l’action gouvernementale, rappelée dans le Plan Climat présenté le 6 juillet dernier par Nicolas Hulot, ministre de la Transition Ecologique et Solidaire. Ainsi, une enveloppe de 4 milliards d’euros issue du plan d’investissements permettra de rénover les bâtiments de l’Etat et ceux des collectivités, en visant particulièrement la rénovation du patrimoine éducatif et hospitalier. Il est donc indispensable que la dynamique de rénovation du parc tertiaire public et privé ne soit pas mise à l’arrêt par la suspension du décret.

Le Plan Bâtiment Durable entend amplifier l’action de la « charte tertiaire » en proposant très vite une nouvelle version de la charte, s’inscrivant dans la continuité des ambitions gouvernementales et l’objectif de neutralité carbone, comme dans la perspective de l’obligation de rénovation à l’horizon 2050.

Le Serce veut relancer sans délai la concertation

Le SERCE comprend les inquiétudes formulées par les requérants sur le calendrier d’application qui mettait en œuvre une partie de l’obligation dès le 1er juillet 2017. En revanche il regrette que cette décision retarde une nouvelle fois la mise en œuvre à l’échelle nationale de la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires.

Le syndicat rappele que ce décret imposait des investissements rentables à court terme (entre 5 à 10 ans), évalués à partir d’une étude préalable et systématique. A l’échelle nationale, l’étude d’impact réalisée par le Ministère prévoit que dès la 4ème année, les économies générées sont de l’ordre de 3 Mds€ par an pour l’ensemble du parc concerné. De nombreuses actions efficaces et peu couteuses sont faciles à mettre en œuvre sur les équipements tels que chaufferies, éclairage, groupes froids, climatisation-ventilation… Le pilotage précis de la température intérieure est aussi un levier intéressant : un degré en moins représente 7% d’économie d’énergie en moyenne.

Le SERCE appelle à relancer très rapidement une concertation élargie pour permettre à l’ensemble des acteurs de contribuer à la réécriture du nouveau décret, conformément aux récentes positions du gouvernement sur les enjeux climatiques. Les entreprises du SERCE, qui travaillent au quotidien sur cette problématique, sont volontaires pour partager leur expérience de terrain et apporter des exemples concrets de démarches efficaces.