Jean-Louis Bal*, président du Syndicat des énergies renouvelables, fait le point sur les enjeux et défis de la filière, à une semaine de l’ouverture du salon Energaia, alors que la transition énergétique fait l’objet d’un débat national. Le SER compte aujourd’hui environ 400 entreprises adhérentes dont 90 % de PME ainsi que les grands groupes du monde de l’énergie. Il couvre toutes les filières des EnR, de la R & D au développement de projets. Montpellier Events : Pouvez-vous nous rappeler en deux mots quelles sont les missions du SER ? Jean-Louis Bal : Le SER a plusieurs missions : défendre les intérêts de nos adhérents et favoriser le développement des EnR en France et à l’export à travers du lobbying auprès des pouvoirs publics. Pour cela, nous nous appuyons sur de la communication. Nous organisons non seulement un colloque annuel de plus de 1 000 personnes, mais aussi des colloques par filières. M. E. : Qu’est-ce qui « plombe » aujourd’hui la filière des EnR ? Jean-Louis Bal : Attention, la situation n’est pas la même dans toutes les filières… Dans certaines, cela va bien, notamment pour la production de chaleur renouvelable avec la biomasse et la géothermie. D’autres filières sont en plein développement, comme l’éolien en mer avec les premiers appels d’offres. Les énergies marines, avec les hydroliennes, bénéficient également du courant, avec un appel à manifestation d’intérêt pour la création de fermes pilotes à horizon 2015-2016. D’autres filières, en revanche, vont mal, oui. Je parle du solaire photovoltaïque et de l’éolien terrestre. Les chiffres de raccordements en 2012 sont les plus bas depuis trois ans, tandis que le marché connaît une décroissance régulière. M. E. : Qu’est-ce qui explique cette situation ? Jean-Louis Bal : Pour l’éolien, il s’agit notamment de l’incertitude du tarif d’achat par EDF. Les banques rechignent donc à financer les projets. Aujourd’hui, on installe entre 700 et 800 MW par an en France, alors qu’il faudrait en installer 1 400 MW. Toutefois, l’avenir semble s’éclaircir à travers les mesures de simplification et la sécurisation des tarifs d’achat qui passe par la notification en cours auprès de la Commission européenne. Le photovoltaïque, lui, est victime des conséquences des décisions issues du moratoire de 2010. Les réductions des tarifs de rachat ont été trop brutales. Il faut savoir qu’il y a actuellement plus de demandes de raccordements que de raccordements réels… Cela fait donc baisser les tarifs d’achat, mais ces derniers ne correspondent pas à la réalité et rendent difficiles la réalisation de nouveaux projets. M. E. : Qu’attendez-vous de la loi sur la transition énergétique ? Jean-Louis Bal : Cette loi doit confirmer le cap à 2020 avec des réévaluations par filières. Il faut notamment relever l’objectif photovoltaïque. Mais elle doit aller au-delà de 2020 pour que les professionnels aient enfin de la visibilité. Enfin, cette loi doit aussi préciser les moyens mis en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés. Nous déplorons simplement qu’elle soit présentée au printemps prochain pour être votée en fin d’année. En attendant, il y a une série de mesures immédiates à prendre. C’est pourquoi Le SER a présenté un plan de relance pour les EnR avec 23 mesures à court et moyen termes. M. E. : Quelles sont les principales mesures d’urgence de ce plan ? Jean-Louis Bal : Plusieurs priorités sont ressorties : - Améliorer le pilotage des EnR à travers une meilleure visibilité à court et moyen termes - Une révision des objectifs de certaines filières - Un « choc » de simplification administrative - La sécurisation du cadre économique et du système tarifaire à travers la confirmation des tarifs d’achat (éolien, photovoltaïque) - Un renforcement du Fonds Chaleur auprès de l’ADEME M. E. : En quoi l’industrie française des EnR se démarque-t-elle ? Quels sont nos atouts et nos faiblesses ? Jean-Louis Bal : Nous avons en France, sur toutes les filières, des entreprises performantes, et ce sur toutes les chaînes de la valeur. Ce qui nous manque, c’est un marché suffisamment important pour permettre de valoriser ces savoir-faire. Actuellement, Alstom et Areva investissent en France dans des turbines éoliennes destinées à la mer car nous avons de la visibilité sur ce marché. Dans le solaire photovoltaïque, nous disposons de centres de recherche internationaux et d’un savoir-faire performant pour lesquels nous devons trouver un marché industriel en France qui nous permettra ensuite de rayonner à l’international. Le marché français, jusqu’à maintenant, s’est développé en majorité avec une offre étrangère. M. E. : La filière des EnR génère des emplois en France. Si l’objectif des 23 % en 2020 était atteint, combien d’emplois pourraient voir le jour ? Jean-Louis Bal : En 2011, une étude évaluait le nombre d’emplois en France dans les EnR à 100 000. En 2013, nous sommes à 75 000 emplois toutes filières confondues. Nous avons donc perdu près de 25 000 emplois en deux ans. Et ce sont les filières du photovoltaïque et de l’éolien qui ont été les plus touchées. Il y a un véritable enjeu. Avec 23 % d’EnR en 2020, ce sont près de 225 000 emplois qui sont projetés. M. E. : 23 % pour 2020, est-ce un objectif réaliste d’après-vous ? Jean-Louis Bal : Si l’on ne change rien, on sera à 17 ou 18 % par rapport à ce qui était prévu. 23 %, cela me paraît réalisable à condition de mettre en oeuvre les mesures proposées dans le cadre du plan de relance à court et moyen termes. Il n’est pas trop tard, mais il est vraiment temps. M. E. Quelle est, d’après-vous, l’énergie renouvelable dont le potentiel est le plus fort ? Jean-Louis Bal : L’énergie hydraulique est aujourd’hui l’énergie renouvelable la plus précieuse car elle permet de stocker de l’énergie électrique, et c’est la seule… Après, les grands potentiels d’évolution en France sont le solaire, l’éolien, la biomasse sous ses diverses formes et la géothermie. Mais nous avons besoin de toutes les énergies renouvelables. Elles se complètent, et il ne faudrait pas en privilégier certaines aux dépens d’autres. *Ingénieur électricien, Jean-Louis Bal a travaillé pendant 17 ans dans le secteur photovoltaïque privé. A partir de 1992, il intègre l’ADEME où il occupe plusieurs postes à responsabilité : chef du programme prioritaire énergies renouvelables, puis directeur adjoint bâtiment et énergies renouvelables, directeur des énergies renouvelables, des réseaux et des marchés énergétiques, et, enfin, directeur des productions et énergies durables. En 2011, il est élu président du SER et quitte l’ADEME. Il vient d’être renouvelé dans ses fonctions récemment, en octobre 2013. Energaia, du 4 au 6 décembre 2013, parc des Expositions de Montpellier. www.energaia-expo.com