Alors que le détachement des travailleurs va être au coeur des débats du Conseil des ministres du travail européens de lundi prochain, la CAPEB rappelle ses demandes en ce domaine et insiste sur la pression que la concurrence déloyale représente au quotidien pour les entreprises artisanales du bâtiment. Si un contrôle plus resserré s’avère nécessaire pour limiter les pratiques frauduleuses, la CAPEB estime que le cadre légal permet déjà des écarts de coûts très préjudiciables aux entreprises travaillant dans le cadre juridique français.
Durcir le contrôle est nécessaire
Le secteur du Bâtiment représente plus de 40% des travailleurs détachés en France. Dans ce secteur uniquement, le nombre de travailleurs détachés a augmenté de 985 % entre 2004 et 2011 soit une hausse de 57 792 salariés. Les artisans du Bâtiment sont donc très concernés par les débats sur ce sujet. C’est pour cela que la CAPEB demande un durcissement des contrôles et un renforcement de la coopération entre les autorités politiques des pays membres de l’Union Européenne.
La CAPEB souligne que pour être efficace le resserrement des contrôles nécessitera de lourds moyens humains et une coordination de l’ensemble des corps de contrôle concernés pour organiser des opérations « coup de poing » ciblées sur les chantiers, en dehors des heures légales et le week-end. Pour commencer, la CAPEB souhaiterait faire avancer les projets en cours, comme la convention avec les branches professionnelles sur le détachement des travailleurs, finalisée depuis octobre.
Par ailleurs, plusieurs mesures indispensables au niveau national seraient utiles dans cette lutte contre la concurrence déloyale :
– l’auto liquidation de la TVA dans le secteur du bâtiment : obtenue du Gouvernement par la CAPEB dans le Projet de loi de Finances 2014 actuellement finalisé au Parlement. Cette mesure permettrait de supprimer les schémas dans lesquels un sous-traitant facture la TVA à son donneur d’ordres sans jamais la reverser au Trésor public, alors que le donneur d’ordres déduit la TVA que lui a facturée son sous-traitant
– la mise en place d’une liste ouverte précise de mesures de contrôles que peut imposer l’Etat membre d’accueil à une entreprise étrangère détachant des travailleurs sur son territoire, comme le propose le rapport d’information présenté à l’Assemblée Nationale le 2 décembre.
– l’instauration d’une responsabilité conjointe et solidaire du donneur d’ordre si les sous-traitants ne respectent pas les obligations légales
– la création d’un « coffre-fort électronique », plate-forme, nécessaire en cas de sous-traitance ou de marchés publics, qui permet à toute entreprise de stocker des informations (attestations fiscales, sociales…) pour que ses clients (clients finaux ou entreprises principales) puissent les consulter, placées directement par les organismes compétents (Urssaf …) dans le coffre-fort électronique des entreprises, pour limiter les fausses déclarations
– la constitution, par les pouvoirs publics, d’une « liste d’entreprises et de prestataires de services indélicats » pour contribuer à lutter contre le fléau du recours à une main d’oeuvre à bas coût et non compétente dans le secteur du bâtiment
Le Président de la CAPEB, Patrick Liébus, a formulé ces demandes auprès du gouvernement français, notamment auprès du Ministre des Finances M.Moscovici, du Ministre du Travail M. Sapin et du Ministre chargé des Affaires Européennes, M. Repentin. Au niveau européen, l’EBC (European Builders Confederation), dont la CAPEB est membre fondatrice, est intervenue auprès de la Commission et des parlementaires européens, notamment de la rapporteure Polonaise, Mme. Jazlowiecka pour faire entendre la voix des TPE du Bâtiment sur les dérives engendrées par l’application de la directive actuelle sur les travailleurs détachés.
Renforcer les contrôles ne permettra pas de résorber complètement la concurrence déloyale
Il faut noter que les contrôles, même renforcés, ne permettront vraisemblablement pas d’enrayer totalement la concurrence déloyale. Le maintien de l’affiliation au système de sécurité sociale du pays d’origine, crée des écarts importants entre les coûts salariaux des différents acteurs. Par exemple, en France, un salarié de droit français coûte en moyenne 3,46 fois plus cher qu’un salarié de droit portugais.
De plus, deux montages particuliers permettent de baisser les coûts des entreprises en toute légalité :
– D’une part, des sociétés « coquille vide » qui n’exercent aucune activité significative dans leur pays d’origine peuvent exercer une activité en France en étant moins chère que ses concurrentes en raison du fort différentiel de cotisations sociales ;
– D’autre part, des sociétés « réservoir de main d’oeuvre» qui n’exercent pas d’activité significative dans leur pays d’origine se contentent de détacher des salariés auprès d’une autre entreprise sans pour autant se présenter comme une entreprise de travail intérimaire.
Patrick Liébus, Président de la CAPEB, conclut : « Les entreprises de la construction reçoivent toutes les semaines des offres de sociétés étrangères proposant des emplois à 7 euros de l’heure avec réduction à 5 euros si engagement sur plusieurs chantiers. Comment faire face quand le poids des charges donne un coût de revient de 36 euros de l’heure pour un travailleur français ? Il est urgent de rétablir les conditions d’une saine concurrence, quitte à revoir les principes de la directive sur le détachement des travailleurs. »