Comme le disait Platon (dans La République), « c’est la nécessité qui est la mère de l’invention ». C’est donc probablement la nécessité de bâtir plus efficacement qui a poussé les Anciens à découvrir les vertus de la chaux. La chaux est parfaitement naturelle : c’est un liant que l’on obtient simplement par la calcination de roches calcaires. Cependant, il existe deux sortes de chaux : si la prise s’effectue avec de l’eau, elle est dite chaux hydraulique. Si cette prise s’effectue grâce au gaz carbonique de l’air, on parle de chaux aérienne.Le mystère de la chauxLa calcination du calcaire broyé (un carbonate de calcium que l’on choisit le plus pur possible) a lieu dans un four chauffé à environ 1 000 °C. L’opération aboutit à la création de chaux vive anhydre (oxyde de calcium et gaz carbonique, CaCO3 -> CaO + CO2) que l’on éteint par hydratation (CaO + H2O -> Ca (OH) 2). On obtient alors de la chaux éteinte (hydroxyde de calcium) que le maçon peut utiliser, en mortier de montage ou en enduit. La recarbonatation due à la présence de gaz carbonique dans l’atmosphère fait que la prise a lieu (Ca (OH) 2 + CO2 -> CaCO3 + H2O). Voilà pour la chaux aérienne. La chaux hydraulique, elle, contient une certaine proportion d’argile, dont le taux peut varier de 8 à plus de 20 %. Le processus de cuisson et d’extinction est semblable aux autres, mais il faut distinguer la chaux hydraulique naturelle, produite grâce à un calcaire qui contient originellement de l’argile, et la chaux hydraulique artificielle, qui est en fait un mélange de ciment Portland et de calcaire inerte. Toutes les chaux ne sont pas semblables Toutes les chaux naturelles, aériennes ou hydrauliques, ne se ressemblent pas : en effet, tout dépend de l’origine du calcaire, donc de la carrière d’où il est extrait. Une chaux provenant de l’usine de Saint-Astier n’est pas la même que celle fabriquée à Cruas chez Lafarge, par exemple, et, sur le terrain, on trouve très fréquemment des utilisateurs qui ne jurent que par un site de production et n’en changeraient qu’avec difficulté. Il faut ajouter, pour être honnête, que certains industriels concoctent des formulations qui ont sans doute leur raison d’être et leurs avantages, notamment dans le cas d’une main-d’œuvre peu spécialisée et pour la création d’enduits aux performances spéciales, mais où la chaux n’est pas nécessairement majoritaire. C’est ainsi que la dénomination « à la chaux » que l’on trouve parfois sur des emballages, demeure un peu évasive. Il n’en demeure pas moins que la chaux est surtout vendue sous forme de produits prêts à l’emploi : c’est le cas chez Parexlanko, chez Weber, etc. Du nouveau dans les coloris pour chaux chez BCB Centre d’expertise bâtiment du groupe Lhoist, impliqué mondialement dans la production de chaux, Balthazard et Cotte Bâtiment bénéficie d’un ancrage historique reconnu et de compétences scientifiques et techniques appréciées des acteurs du secteur patrimonial. Qu’il s’agisse de chaux régionales comme Chaubat ou Batidol, ou, bien entendu, des fameuses chaux Tradical, les chaux aériennes produites par BCB reposent sur la maîtrise de toute la chaîne de production et des matériaux fiables. Soulignons aussi l’importance croissante des solutions chaux/chanvre : les bétons de chanvre sont devenus un matériau de référence, élaborés avec les professionnels, que ce soit en solution d’isolation ou comme matériau de remplissage de maisons traditionnelles à pan de bois, et BCB gagne du terrain dans ce domaine. Mais cette saison, c’est surtout le lancement de la gamme de coloris Tradical Premium Intense pour enduits intérieurs à la chaux aérienne qui retient l’attention. Cinq bases vives pour vingt tonalités (jaune, vert, bleu, turquoise, amande) composent ainsi une palette de possibilités considérables, applicables aux enduits Tradical Décor et Tradical Stuc. Ce système de coloration est utilisable sur tout type de support conforme au DTU 26.1 et 59.1, notamment les anciens enduits, les anciens murs peints et le béton de chanvre. Pour mener à bien ces formulations, les équipes d’experts de BCB se sont adjoints les services de deux coloristes. Les produits sont résistants aux UV, offrent une bonne compatibilité avec la basicité de la chaux aérienne, ne sont pas allergènes, et la dispersion des pigments est homogène. Le mélange s’effectue simplement, au malaxeur. Du côté de Saint-Astier Bien entendu, plusieurs autres producteurs proposent également des chaux colorées : par exemple, Badilith de CESA – les fameuses chaux de Saint-Astier – est un badigeon à base de chaux et d’adjuvants sélectionnés qui permet de réaliser des finitions en blanc ou en couleur, à l’intérieur comme à l’extérieur (chaux naturelle pure 96,5 % au minimum sur I’extrait sec, et additifs organiques 3,5 % au maximum sur I’extrait sec). Ce produit existe sous forme de poudre ou de pâte, dont l’utilisation est prévue dans le DTU 26.1, à l’annexe 3. On l’applique sur tous les supports enduits au mortier hydraulique, et les supports plâtre, avec impression préalable. Dans la gamme CESA, les professionnels du bâti ancien apprécient toujours Térréchaux, une chaux naturelle faiblement hydraulique, très blanche, qui convient fort bien aux travaux d’enduits sur des supports anciens peu résistants, ainsi qu’en consolidation de maçonnerie. Térréchaux peut aussi être utilisé en mélange avec du chanvre.
Lafarge lance la nouvelle chaux Nathural

Mise en œuvre de Badilith de CESA. – Photo : CESA
Lafarge lance la nouvelle chaux Nathural Chez Lafarge, on connaissait déjà les chaux Crualys et Tradifarge (NHL 5-Z). Voici à présent Nathural (NHL 3,5).Selon les dires de Lafarge, Nathural est «la chaux hydraulique naturelle la plus riche en chaux libre, la plus blanche et la plus lumineuse du marché ». Il faut dire que son indice de luminance (L*) est de 92, un degré élevé qui s’explique par la qualité de la roche calcaire à l’origine de sa fabrication, exempte d’oxyde de fer. Cette blancheur permet de faire ressortir la couleur des sables locaux pour une meilleure intégration à l’environnement et un respect plus subtil des paramètres régionaux de l’architecture ancienne. Fabriqué à partir de calcaire légèrement siliceux, Nathural contient une forte proportion de chaux libre (CaOl). Le produit présente une faible résistance mécanique, et Lafarge souligne qu’elle est « particulièrement bien adaptée aux supports anciens et évite les décollements d’enduit ». Contexte économique : l’avenir n’est pas sombreL’usage de la chaux dans la construction a beau remonter à la nuit des temps, le produit n’en est pas moins soumis à l’économie de marché, comme tout autre. En cette période plutôt incertaine que nous traversons, la chaux est-elle affectée ? Nous avons demandé l’avis de plusieurs personnalités du secteur. Selon Daniel Daviller, directeur général délégué de Balthazard et Cotte Bâtiment, « l’ancien se porte toujours mieux que le neuf, mais les marges des entreprises se sont considérablement contractées. En fait, pendant un certain temps au cours de 2010, des sociétés qui travaillaient dans le neuf se sont installées sur le créneau de l’ancien, malheureusement sans forcément disposer de l’expérience ni du savoir-faire nécessaires. Certaines ont eu à faire face à des difficultés. Il a aussi fallu compter avec les conditions climatiques très rudes au cours des derniers mois de l’année, qui ont évidemment eu une influence négative sur l’activité du bâtiment en général. Cependant, nos volumes de production n’ont pas baissé ».Quelle pourrait être la tendance pour 2011 ?« De toute façon, tout le monde se pose des questions sur l’avenir, la visibilité n’est pas très étendue. Mais moi, cet avenir, je ne le vois pas du tout sombre. Il existe des produits innovants, qui ont vraiment leur place sur le marché, et qui répondent à des besoins. Je suis relativement serein, même si l’activité du secteur est fluctuante. Chez BCB, c’est le béton de chanvre qui est le plus porteur d’espoir. C’est un produit qui a réellement le vent en poupe, et ce n’est pas du tout un effet de mode, comme on aurait pu le croire au début. Aujourd’hui, les prescripteurs sont de plus en plus convaincus par les avantages de cette technique. » Il n’est donc pas question d’être pessimiste, d’autant moins que Daniel Daviller laisse entendre que son entreprise couve de nouveaux projets ambitieux, qui écloront vraisemblablement à l’automne 2011. L’affaire est donc à suivre. On ne broie pas du noir non plus chez Socli dont le directeur des ventes, Luc Tornos, explique : « Sur les chaux pures, nous avons plutôt fait une bonne année. Pour les gammes spécialisées en restauration, nous sommes restés stables par rapport à 2009. Il est clair que, d’une façon générale, c’est l’ancien qui a tiré le marché vers le haut, même si les utilisateurs ont parfois fait preuve d’une certaine inquiétude, notamment à cause de carnets de commandes moins chargés à l’avance. Alors que des entreprises avaient eu pendant longtemps une visibilité sur un an ou plus, elles ne peuvent à présent guère prévoir au-delà de six mois, voire moins. En 2011, je pense que le marché de la restauration ne devrait ni atteindre de hauts sommets, ni réellement chuter : une période de relative continuité devrait être devant nous. » Pour Socli – filiale française chaux de Ciments Calcia, (Italcementi Group) produisant près de 200 000 tonnes de chaux, premier producteur français de chaux hydraulique et fondateur du Club de la Chaux –, les produits voués à la restauration et la rénovation représentent plus de 40 % du chiffre d’affaires global. Fait curieux : il semble que les négociants aient adopté en 2010 une position de repli, de frilosité. « C’est exact, dit Luc Tornos. Tout le monde l’a bien ressenti. Mais, parallèlement, ils ont porté une attention accrue aux produits pour l’ancien, se dirigeant ainsi vers des références correspondant à un marché meilleur que celui du neuf. » Récemment, Socli a lancé une gamme de mortiers colorés à base de sables naturels, qui a bien démarré, et qui a les atouts nécessaires pour séduire les prescripteurs. Finalement, crise ou pas, la chaux continue de traverser solidement toutes les époques.
La chaux au château de Nistos.

Le château de Nistos en cours de restauration. – Photo : Socli
Commencée depuis près de deux ans, la restauration du château de Nistos, pittoresque village d’à peine plus de 200 habitants, à une soixantaine de kilomètres de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, est loin d’être à son terme. Ce travail considérable est dû au talent et à la détermination de Christophe Guillen, artisan passionné de patrimoine historique et adhérent du Club de la Chaux. Les travaux, qu’il mène courageusement seul, ont d’abord consisté en la destruction de quelques bâtiments inutiles qui nuisaient à la restitution de la structure d’origine. Puis l’existant a été consolidé : élimination par piquage des anciens enduits, rejointoiement des pierres à la chaux, reprise et restitution de maçonneries à l’ancienne, mise en oeuvre d’une isolation. Les enduits intérieurs ont été également réalisés à la chaux. Chaux hydraulique naturelle et chènevotte à l’église d’Astaffort.Le bourg d’Astaffort, dans le Lot-et-Garonne, est peut-être plus connu pour être le lieu de résidence favori de Francis Cabrel, dont il fut pendant des années conseiller municipal, que pour son église, mais la restauration intérieure de celle-ci n’en mérite pas moins l’attention : en effet, Manuel Fins, qui a réalisé ce chantier, a choisi de mettre en oeuvre sur les murs un complexe chanvre/chaux, composé d’un mélange de chaux hydraulique naturelle Socli et de chènevotte, offrant une bonne isolation thermique et phonique ainsi quun aspect esthétique particulièrement valorisant. Un formateur explique les différents types de finitions d’enduits extérieurs. L’enduit lissé : aussitôt après l’application du mortier, on procède à un talochage afin de produire un ressuyage de la laitance. Ensuite, on lisse la surface à la truelle lisseuse en de larges mouvements de gauche à droite. On termine par un léger chiffonnage avec une taloche recouverte d’un feutre. Cela élimine les traces laissées par la truelle et, très important, le surplus de laitance, source de fissuration. L’enduit taloché : tout de suite après l’application du mortier, on procède à un talochage afin de produire un ressuyage de la laitance. Le talochage est exécuté avec une grande taloche, en faisant de grands mouvements circulaires assez réguliers. L’enduit « grain d’orge », ou rustique : c’est un travail d’adresse effectué à la truelle. Le mortier est projeté énergiquement suivant un rapide mouvement de rotation qui le fait glisser de la truelle et s’éclater largement sur le mur. Les truellées sont étalées côte à côte, par bandes horizontales. L’enduit peigné : 2 à 3 heures après la mise en uvre, le mortier est raclé à l’aide d’un peigne métallique spécial, ou légèrement brossé à la brosse dure pour lui donner un aspect rugueux et homogène. L’enduit gratté : quelques heures après l’application, la surface est raclée avec une taloche garnie de pointes, ou « gratton », passée en mouvements circulaires. L’enduit grésé ou poncé : l’enduit est surfacé avec une meule de carborundum passée à sec ou travaillé à la ponceuse électrique équipée d’un disque souple. Guilhem Rocher Association Le Gabion
La chaux, l’incontournable alliée du patrimoine

Photo : Le Gabion
Entreprises proposant des chaux ou des produits à base de chaux Balthazard et Cotte Bâtiment CESA Calcia Lafarge VPI (Renojet Clair pour monuments historiques) Vega Industries (Legalithe) Socli Pozzo Nuovo (chaux en pâte ) Akterre (Tierrafino Stone) Tollens (Minérales Viero) Zolpan (Ruralis, Origini)Keim (Unical) STO (StoCrete Pierre) La Pierre Fertile (Lait de chaux LPF 36 ) Parexlanko Weber Les Trois Matons Carmeuse France Carrières et Fours à Chaux de Dugny Chaux de Boran Chaux de Provence Chaux et Dolomies du Boulonnais Chaux de la TourChaux du Périgord Société Européenne des Chaux et Liants Bonargent-Goyon etc.Devenir ouvrier professionnel en restauration du patrimoine et maîtriser la chauxCette formation proposée par l’association Le Gabion (www.legabion.org) aborde les techniques de restauration du patrimoine dont, bien entendu, la chaux, par une approche pluridisciplinaire. À l’issue des cours, les stagiaires doivent savoir effectuer un diagnostic des dégradations et être en mesure de proposer des solutions adaptées. Il s’agit d’une formation de 1 200 heures en chantier-école (2/3 de théorie en classe et de pratique en atelier, et 1/3, soit environ 11 semaines, en entreprise). La formation se déroulera du 28 mars au 16 décembre 2011. Un stage plus spécifique, « La chaux dans le bâti ancien », se déroulera aussi du 5 au 7 octobre 2011 puis du 20 au 24 février 2012. Notons par ailleurs que les MPF (Maisons Paysannes de France) proposent aussi à tous des stages courts « Chaux et bâti ancien » (www.maisons-paysannes.org) Participez aux Trophées de la chaux ! Socli avait lancé en 2008 un concours intitulé Les Trophées de la Chaux, destiné à récompenser les plus beaux chantiers. La seconde édition est en pleine préparation. Dès aujourd’hui, les artisans et professionnels de la chaux, membres du club intéressés, doivent faire parvenir leur dossier avant le 15 mars 2011. Ils devront ensuite présenter oralement leurs travaux devant le jury, le 22 avril 2011. Les gagnants se verront remettre leur prix au Château de Terrides près de Montauban, le 21 mai 2011. Trois récompenses seront décernées : Trophée de lInnovation, Trophée du Développement durable et Meilleur Chantier chaux de lannée (www.socli.fr).