L’’éternelle propreté des façades, voilà une idée séduisante que jamais un propriétaire ou un architecte n’’aurait cru voir se réaliser. Et pourtant, c’’est à partir de cet improbable postulat que les industriels ont imaginé des solutions qui, aujourd’’hui disponibles, concernent l’’ensemble des revêtements de façade. Deux technologies sont ainsi aujourd’hui mises en pratique. La première s’inspire des qualités d’autonettoyage de la fleur de lotus. Cette dernière est dotée d’une surface hydrophobe sur laquelle l’eau comme les impuretés n’adhèrent pas. À son contact, les gouttes d’eau conservent leur forme sphérique et roulent, entraînant ainsi les saletés. Cet « effet lotus » a été repris par plusieurs industriels, allongeant les intervalles entre les nettoyages nécessaires du bâtiment ou supprimant ces derniers. Ainsi, les couches de laquage des profilés aluminium de ­Schüco offrent de fortes tensions de surface, de même que les peintures et enduits de la gamme Lotusan de ­Sto. La seconde, encore plus spectaculaire, combine l’hydrophilie du matériau à la photocatalyse. Concrètement, les revêtements contiennent du dioxyde de titane (TiO2) qui réagit sous l’influence du rayonnement ultraviolet émanant de la lumière du jour et décompose et désagrège les saletés organiques. Ce procédé est d’autant plus intéressant que cette réaction est pérenne puisque le TiO2 n’est ni consommé, ni altéré. Grâce aux propriétés « hydrophiles » de la surface du matériau, l’humidité, au lieu de former des gouttelettes, s’étale de manière uniforme sur toute la surface, et au fur et à mesure qu’elle s’écoule, débarrasse la surface des impuretés. Pour d’immaculées constructions Aujourd’hui, la façade est l’un des premiers bénéficiaires de cette technologie mise en évidence il y a plus de cinquante ans (1967) par un Japonais, le professeur ­Akira ­Fujishima, et dont les premières applications apparaissent dans les années 1990. Plusieurs solutions existent. D’abord, on peut construire directement en matériaux autonettoyants qui incorporent du dioxyde de titane. On décompte ainsi des ciments permettant de créer des bétons autonettoyants comme le Tx ­Arca de Ciments ­Calcia ; des vitrages, à l’instar de la gamme ­Pilkington ­Activ ; des carreaux de céramique comme ceux proposés par ­Agrob ­Buchtal ; ou encore du bardage acier chez Arval d’Arcelor ­Mittal. L’autre méthode consiste à appliquer directement sur la façade un produit qui sera autonettoyant. C’est le cas avec des peintures et des enduits, notamment chez ­Sto ou avec un nouveau produit, le ­Photocal de ­Nanofrance, qui permet d’agir sur tout type de surface (bois, pierre, vitrage, métal…) sans en changer l’aspect. Ce filmogène transparent se pulvérise sur les toitures, vitrages, façades pour limiter l’encrassement de l’existant. Son application est en plein développement, particulièrement sur les panneaux photovoltaïques. Limiter la facture Certes, ces solutions reviennent un peu plus cher qu’un revêtement classique (quatre fois le prix d’un ciment classique chez Ciments ­Calcia), mais l’objectif est de réduire le coût d’entretien des bâtiments et de répondre à la cible 7 (Gestion de l’entretien et de la maintenance) de la démarche HQE (Haute qualité environnementale). Intempéries, pollutions urbaines, les agressions quotidiennes que subissent nos bâtiments laissent des marques généralement d’origine organique (gaz d’échappement issus de la combustion des hydrocarbures émis par les véhicules ; salissures issues du développement de micro-­organismes végétaux tels que les algues, mousses ou lichens). Eau sous pression, projection d’abrasifs ou laser, antimousse, antialgues, échafaudage et personnels, ces solutions efficaces s’avèrent cependant très coûteuses, contraignantes, polluantes pour l’environnement et peuvent parfois se révéler agressives pour le support, l’opération devant être répétée régulièrement en milieu urbain ; trois à quatre années suffisent pour que les façades soient dénaturées par les salissures. La pollution agressée par les murs Mais la photocatalyse dépasse largement le domaine de la façade, et même du bâtiment. Elle a fait son entrée dans de nombreux secteurs comme l’automobile, l’électroménager, l’éclairage et le sanitaire, d’autant qu’elle ne s’arrête pas à la simple fonction d’autonettoyage. « Un des rôles futurs de la photocatalyse sera de se développer dans l’univers intérieur, nous informe ­Olivier ­Fourcault, chargé de la communication de la Fédération européenne de la photocatalyse et chef de projet innovation pour Ciments ­Calcia. Cette technologie permet déjà d’améliorer la qualité de l’air intérieur qui est devenue une préoccupation majeure de notre époque. » En effet, toujours à partir du même procédé, les surfaces sont capables de désagréger des polluants entrant à son contact tels que les gaz d’échappement des voitures et des usines, les COV, les odeurs, les bactéries, certains virus même ou les pollens et acariens, à l’instar du Tx ­Aria de Ciments ­Calcia qui permet la fabrication de murs bétons dépolluants. « Nous en sommes encore aux balbutiements », précise ­Olivier ­Fourcault. Le marché mondial de la photocatalyse s’élèverait à un milliard d’euros, celui de l’Europe à quelques centaines de millions d’euros. En France, le secteur est trop fragmenté pour parler de marché. Il s’agit plus de produits de niche. Mais la recherche et le développement sont actifs. D’ailleurs, la photocatalyse est citée dans le rapport du ministère de l’Industrie portant sur « les technologies clés 2010 ». Une fédération regroupant les acteurs de la photocatalyse a vu le jour en 2006 (voir encadré). Rassurer et promouvoir Néanmoins, quelques inquiétudes persistent, car le procédé paraît presque trop beau pour être vrai. D’abord, il faut informer les prescripteurs, souvent sceptiques sur les performances dans le temps du procédé. Ensuite, il faut les rassurer, car ces nouvelles technologies sont liées aux nanotechnologies qui inquiètent. Faut-il appliquer le principe de précaution ou prendre cela comme une avancée technologique remarquable ? « Nous ne sommes pas dans le domaine des cosmétiques, nous répond ­Olivier ­Fourcault. Le dioxyde de titane, lorsqu’il est mélangé à notre ciment, va former une sorte de conglomérat ; du coup, on sort de la micrométrie pour entrer dans la nanométrie. » Les particules ne sont donc pas censées se répandre dans l’air. De plus, le TiO2 est aujourd’hui d’usage courant et n’est pas considéré comme nocif, ni pour les personnes qui en assurent la production, ni pour les utilisateurs de produits qui en contiennent. La recherche se poursuit toujours dans le domaine de la dépollution. Côté autonettoyage, l’objectif est d’améliorer encore les performances des produits. Et pourquoi pas la photocatalyse contre les graffitis ? « La recherche est en cours, nous informe ­Olivier ­Fourcault, mais ce n’est pas pour tout de suite. » Aujourd’hui en effet, le graffiti reste un problème pour le développement des façades autonettoyantes, les vernis antigraffitis bloquant la photocatalyse. La solution de demain ? Un vernis antigraffiti compatible avec la photocatalyse. Affaire à suivre… Aurélie Cheyssial L’union fait la force La FFP, Fédération française de la photocatalyse, créée en 2006, est devenue en mai dernier la FEP, Fédération européenne de la photocatalyse. Son rôle est de rassembler les différents acteurs du secteur : fabricants, utilisateurs, industriels et scientifiques, de participer à l’établissement de normes et de tests pour les systèmes ou encore trouver des financements pour les travaux de recherche. Elle regroupe la plupart des membres du collectif ­OCEAN (offre collective pour l’enveloppe autonettoyante). www.efp-fep.com www.collectif-ocean.fr