Lancé en juillet 2006 par la municipalité de Boulogne-­Billancourt, le projet de réhabilitation de l’’île Seguin ne cesse de surprendre par les collaborations qu’’il suscite. Quarante architectes paysagistes s’’affairent depuis 2006 et s’’affaireront jusqu’’en 2014 afin d’’offrir une seconde vie aux anciens sites en friche de Renault. Parmi eux : Josep Lluis Mateo, fondateur de Mateo Arquitectura, qui s’’apprête à livrer La Factory, bâtiment de bureaux situé dans le nouveau quartier Île Seguin-Rives de Seine-Trapèze ouest. Pour la réalisation du projet, l’’architecte a pensé à un concept innovant : la façade même de l’’édifice est porteuse et semble se plier sur elle-même.
« Version contemporaine des porches anciens »
Imaginer un nouveau quartier à l’’intérieur d’’une nouvelle ville : quoi de plus excitant pour un architecte ? Josep Lluis Mateo en convient : « J’’aime cette sensation de vide en attente d’’être rempli et prendre la responsabilité d’’imposer la clarté. Nous avons commencé par penser l’’îlot urbain comme une série de bâtiments avec des espaces permettant d’’introduire de la lumière et de l’’air. De cette façon, nous avons commencé à voir le bâtiment comme une masse, un volume complexe, formé à l’’angle du cours Émile-­Zola. » Si Josep Lluis Mateo commence toujours de cette façon, à savoir en partant d’’un volume très abstrait de base, il s’’applique également dans chacune de ses réalisations à transcrire une forme de vibration, révélant un caractère quasi organique à la structure. Ainsi, La Factory a été pensée de sorte à proposer une alternance de pleins et de vides, d’’ombre et de lumière, de matériaux à la fois puissants et légers pour créer une multiplicité d’’ambiances et intensifier l’’aspect massif du bâtiment. « La matérialité est une étape importante de la construction car l’’architecture, c’’est avoir une idée et la bâtir. L’’idée ici était de bâtir une arcade de façon plus contemporaine, c’’est-­à‑dire être, à l’’intérieur, protégé de la rue et cela sans avoir recours à des piliers. » La façade principale donnant côté rue, de 100m de long et de 18m de haut, accueille le piéton, le protège et l’enveloppe par son pli central. C’’est ce voile de béton incliné à 33º qui s’’est révélé être le grand défi technique du chantier. Pour ­Laurent Kolb, de Vinci Immobilier, il était important de faire oublier que le bâtiment mesurait 100 m de long.
« Au final, ce pli ressortit plus du domaine de l’’ouvrage d’’art, car ce voile de béton incliné a nécessité la réalisation d’’un coffrage perdu qui n’’a été utilisé qu’’une seule fois. » Pour l’’architecte, cette façade traduit donc la relation du bâtiment avec la rue car il se replie pour protéger la chaussée dans un geste très frappant en milieu urbain. « Il s’’agit d’’une version contemporaine des porches anciens. Le bâtiment donne refuge, vous protège et permet de vous laisser passer doucement. » En effet, le porche s’’ouvre aux pieds du bâtiment, noyau de communication entre l’’aile gauche et l’’aile droite de l’’édifice, permettant ainsi de traverser l’’îlot et d’’accéder au jardin privatif et aux bâtiments de logements environnants.
Architecte recherche vibration
Si la réalisation d’’un tel « pli » en façade s’est révélée un vrai défi technique, le grand effort de conception a, lui, été de passer du traditionnel mur-­rideau à la conception d’’un mur pour répondre à la problématique de construction en surface inondée. Ainsi, la façade même de l’’édifice est porteuse et le parking, construit en sous-­sol, en surface inondée, est complètement hermétique grâce à un système de parois moulées. Pour l’’architecte, les façades sont donc d’’ordre structurel : des murs en béton, qui ont été un défi technologique majeur. « C’’est le genre de défi qu’’un vrai constructeur aime. La proportion et la taille des ouvertures ont été calculées par rapport au comportement d’’expansion/contraction de l’’immeuble », ajoute l’’architecte. D’’autant que cette constellation de différentes fenêtres déclenche, pour lui, une vibration intéressante à l’’intérieur. Pour des raisons de consommation d’’énergie, les murs (qu’’il aurait aimé laisser nus) ont été, eux, protégés par des feuilles d’aluminium brossé Reynobond d’’Alcoa pour l’’isolation thermique par l’’extérieur (ITE) à l’’exception du bas de l’’immeuble où le béton est resté apparent et a été simplement lasuré. « Pour les parois latérales qui se prolongent jusqu’’au toit, nous avons choisi du zinc naturel de VM Zinc, matériau traditionnel artisan qui a une grande tradition urbaine, posé à joint debout. » Ces matériaux ont été sélectionnés de manière à densifier l’’aspect massif de l’’édifice et à nourrir l’’impression de variation déjà recherchée par le pli central et le percement aléatoire des baies, d’’autant que la couleur du panneau en aluminium brossé varie suivant qu’’il est placé à l’’horizontale ou à la verticale. Cette peau en aluminium créant une vibration en jouant simplement sur l’’orientation, l’’architecte l’a donc beaucoup utilisée pour parachever le calepinage. Après deux ans de travaux, cette première réalisation française de Josep Lluis Mateo sera livrée en décembre prochain. Pour l’’heure, l’’immeuble n’’a pas encore de destinataire. Alors, avis au locataire qui souhaite vibrer en allant tous les matins à La Factory…
Julie Niel-Villemin
Une technologie invisible sous la cinquième façade
La technologie s’invite dans les installations techniques, à l’’image de la climatisation.
La production frigorifique, assurée par une sous-­station raccordée au réseau de froid urbain, est entièrement dissimulée par le biais de l’’inclinaison du toit du bâtiment. Une inclinaison du toit qui s’’adapte aux hauteurs des différents bâtiments adjacents et permet d’’accroître également le dynamisme du point de fuite. Le matériau de couverture choisi est l’’aluminium zingué Kalzip de Corus. Même si on ne la voit pas, l’’architecte est malgré tout très fier de cette toiture sous laquelle tous les équipements techniques sont dissimulés. « Ainsi, la technologie est présente mais invisible. »
Fiche d’’identité
  • Maîtrise d’’ouvrage : Vinci & Nexity Entreprises
  • Maître d’œ’oeuvre : Josep Lluis Mateo (Mateo Arquitectura)
  • Maîtrise d’œ’oeuvre technique : SNC Lavalin
  • Architecte coordinateur : Patrick Chavanne, macrolot A3
  • BET Façades : Interface
  • Entreprise générale : Sicra
  • Coût total : 37,8 millions d’’euros