La Fondation Abbé Pierre vient de publier son 28e rapport sur l’état du mal-logement en France. Le constat est alarmant. La facture logement, liée à trois décennies de hausse des prix à l’achat et à la location, est encore alourdie par des dépenses énergétiques devenues insoutenables pour de nombreux ménages modestes qui doivent régulièrement choisir entre se chauffer, manger et se soigner convenablement, payer leur loyer.

Principales solutions de long terme face à la précarité énergétique, les rénovations énergétiques sont nombreuses mais insuffisamment performantes. La Fondation a étudié le fonctionnement de MaPrimeRénov’. Pour elle le dispositif monte en charge mais reste insuffisant pour favoriser les rénovations globales. Le succès quantitatif de MaPrimeRénov’ créée en 2020 à la place du crédit d’impôt transition énergétique (CITE), a beaucoup reposé sur la massification de simples « gestes » de rénovation isolés : ils concernaient 86 % des 650 000 travaux financés avec MPR en 2021, au détriment de la performance à long terme que permet une rénovation globale. Le barème des aides pousse en effet à multiplier les simples gestes, malgré une légère revalorisation du forfait rénovation globale en 2023. En revanche, l’aide la plus vertueuse de l’Anah, Habiter Mieux sérénité (rebaptisée MaPrimeRénov’ Sérénité) réservée aux ménages modestes pour des bouquets de travaux permettant un gain de performance énergétique d’au moins 35 %, avec un accompagnement systématique, continue de stagner autour de 45 000 logements par an.

Sur les 650 000 dossiers MPR en 2021, 68 % concernent des ménages modestes et très modestes. Au cours des neufs premiers mois de 2022, 64 % du montant des primes engagées a même été destiné aux ménages « très modestes ». Toutefois, bien loin du 10 % de reste à charge promis, après mobilisation de toutes les aides (y compris CEE et aides locales), c’est en moyenne 33 % du montant des travaux qu’il reste à payer aux ménages très modestes (52 % pour les ménages modestes), d’après les calculs de France Stratégie en 2021. En 2022, le reste-à-charge serait même encore légèrement accru, en raison de la baisse des certificats d’économies d’énergie (CEE). Dans ces conditions, ces ménages renoncent à mener des travaux ambitieux, ou pour s’attaquer à des logements énergivores et dégradés dans le cadre d’opérations de rénovation globales (pouvant afficher des devis de 70 000 euros). Par exemple, Habiter Mieux sérénité n’apporte qu’une aide maximale de 19 000 euros.

Par ailleurs, la rénovation bénéficie toujours trop peu aux copropriétés. Malgré l’ouverture de MaPrimeRenov’ aux copropriétés en 2021, un reste à charge moyen de 70 % est généralement demandé aux ménages précaires, une dépense impossible à couvrir. Dans de nombreux cas, « MPR copro » s’avère moins généreuse pour les copropriétaires modestes que les aides précédentes, et même moins que pour des propriétaires-occupants ou bailleurs aisés en logement individuel. Un constat partagé largement, au point que l’Anah a adopté un nouveau barème un peu plus avantageux en décembre 2022.

Le chantier de la lutte contre l’habitat indigne est gigantesque, et ne doit pas être négligé au profit de la simple lutte contre la précarité énergétique. Sur les 600 000 logements potentiellement indignes ou très dégradés, seuls 15 000 ont été rénovés en 2021. Ce chiffre est encore bien trop faible au regard des besoins, même si l’on constate une hausse de 50 % en deux ans, retrouvant ainsi les niveaux de réhabilitation d’il y a 10 ans.