L’Initiative Rénovons, qui rassemble un grand nombre d’organisations derrière l’objectif général de rénovation des logements dits « passoires énergétiques », exprime son impatience dans l’attente de la stratégie du gouvernement et d’outils concrets pour lutter contre la précarité énergétique en France. Alors qu’une feuille de route gouvernementale est annoncée, il est désormais urgent de passer de la parole aux actes pour le collectif.

Il existe actuellement 7,4 millions de « passoires énergétiques » parmi les résidences principales du parc privé français, c’est-à-dire des logements particulièrement énergivores ayant une étiquette énergie F ou G. En plus de leur impact sur l’environnement, ces passoires énergétiques dégradent la situation financière et sociale des ménages qui les occupent, parmi lesquels 2,6 millions de ménages modestes. Ces derniers représentent ainsi près de la moitié des 5,8 millions de ménages en situation de précarité énergétique selon les indicateurs de l’Observatoire national de la précarité énergétique. L’amélioration de la performance énergétique des logements est une solution concrète pour faire baisser la facture énergétique des ménages et de la société française dans son ensemble de manière durable, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel, actuellement responsable de 11 % des émissions totales de la France.

Le collectif met sur la table 10 actions à mettre en œuvre pour rénover les passoires énergétiques et les compare aux initiatives du gouvernement.

1) Définir une gouvernance nationale de lutte contre les passoires énergétiques
La priorité est donnée à la rénovation des logements passoires appartenant à des ménages modestes dans les Plan Climat et Logement, et le Grand Plan d’Investissement annoncés en septembre 2017. Deux ministères sont concernés : le Ministère de la transition écologique et solidaire, et le Ministère de la cohésion des territoires.
Pour le collectif : Une vision d’ensemble doit permettre aux différents ministères de travailler main dans la main et en lien avec les acteurs des territoires. Un pilotage national doit arbitrer et avancer concrètement dans la mise en oeuvre.

2) Faire évoluer le cadre réglementaire pour améliorer la performance énergétique des logements
Aucune proposition n’a été émise par le gouvernement. Pour le collectif : le decret «décence» doit être révisé afin d’imposer un niveau minimum de performance énergétique et échelonner la rénovation des passoires énergétiques mises en location par leur propriétaire.

3) Etre en capacité d’évaluer et de suivre régulièrement le phénomène des passoires énergétiques
Aucune proposition n’a été émise par le gouvernement. Pour le collectif : confiée à l’Observatoire national de la précarité énergétique, la mission de suivre la rénovation des passoires énergétiques occupées par le ménages modestes doit être renforcée. Les analyses de cet observatoire doivent être utilisées pour affiner l’objectif politique.

4) Elargir le programme Habiter Mieux, renforcer et sécuriser ses financements
Le programme Habiter Mieux mis en oeuvre par l’Anah est financé sur la totalité du quinquennat (Grand plan d’investissement – GPI- et projet de loi de Finances 2018), à hauteur de 3,7 milliards d’euros jusqu’à 2022 et 110 millions d’euros en 2018 avec l’objectif de rénover 75 000 logements par an.
Pour le collectif : cette pérennisation du programme Habiter Mieux ne prévoit pas de hausse du niveau de performance énergétique des rénovations, ni de déploiement dans les DROM. Par ailleurs, de grosses incertitudes pèsent sur le financement actuel et les garanties de disposer réellement des investissements promis par le GPI. Il faut inscrire le programme Habiter Mieux parmis d’autres dispositifs ambitieux dans la Feuille de route, et aligner ses objectifs avec ceux de la loi de Transition énergétique pour la croissance verte (LTECV).

5) Moduler le niveau de subvention en fonction des revenus du ménage et développer les mécanismes d’ingénierie financière pour le reste à charge
Selon le Grand Plan d’Investissement du gouvernement l’évolution du CITE en prime pour les ménages modestes, en 2019 devrait amener 75 000 rénovations /an de passoires énergétiques pour les ménages modestes, une estimation minimum selon ce document. Le même document prévoit d’élargir le CITE aux frais d’audit et d’accompagnement, sans précision supplémentaire. Le chèque Energie (présent dans le PLF 2018), est présenté comme un instrument de lutte efficace contre précarité énergétique, et son élargissement doit permettre de toucher jusqu’à 4 millions de ménages. Emmanuel Macron a proposé lors de son passage au congrès de la FFB, la mise en place d’un mécanisme plus intelligent que le crédit d’impôt pour 2019, sans précision.
Pour le collectif : Il n’est jamais fait référence au mécanisme de financement innovant via les SEM de 1/3 financement. Rien n’indique que le secteur bancaire va être mobilisé pour répndre à la demande des ménages qui vont devoir financer de manière soutenable un reste à change.
Le montant du chèque Energie est insuffisant pour qu’il puisse servir à financer le reste à charge des travaux. Pour un ménage, dans le meilleur des cas, cela reste un complément de financement marginal.
Sans mettre une condition de ressources pour pouvoir bénéficier du CITE, cet instrument restera au bénéfice des ménages les plus aisés, comme c’est le cas actuellement. L’audit pris en charge par le CITE, à 30%, n’est pas l’audit gratuit promis aux ménages modestes par Emmanuel Macron. La feuille de route doit montrer comment aller vers un audit complet et gratuit. Il n’y a pas de projet de créer une offre bancaire publique spécifique proposant un produit adapté sur le temps long et à taux bas pour financer les projets de rénovation des ménages modestes.

6) Pérenniser et rendre plus accessibles les aides existantes
Numérisation des dossiers Habiter Mieux (GPI), pas de proposition de piste de clarification des aides.
Pour le collectif : un schéma doit a priori inscrire les «aides-socle» et permettre de projeter les conditions de leur utilisation et leur évolution en volume dans le temps pour clarifier les perspectives pour les acteurs du bâtiment et pour les ménages.

7) Mettre en œuvre un système permettant le préfinancement des frais de travaux individuels et collectifs, garanti par l’Etat, pour les plus modestes
Pendant la campagne Emmanuel Macron avait proposé l’idée d’une avance par l’Etat récupérable au moment de la vente du bien.
Pour le collectif : il faut encore créer une agence de préfinancement publique, ayant pour mission d’améliorer le financement de la rénovation énergétique privée (à l’image de ce qu’il se pratique dans le logement social).

8) Assurer la qualité des travaux à un coût maitrisé
Pour le collectif : il faut faire avancer les acteurs du bâtiment vers une logique de résultats et mieux garantir les performances des chantiers afin de créer un environnement de confiance entre l’offre et la demande des ménages, afin de leur permettre de prendre le risque d’investir plus sereinement.

9) Organiser et planifier le repérage des ménages vulnérables au niveau local et mieux les informer
Pour le collectif : les actions de renforcement de “l’amont de la filière” par des dispositifs couvrant la totalité du territoire et permettant de mieux repérer les ménages en précarité énergétique et leur proposer la solution la plus adaptée à leur situation, ne sont mentionnées dans aucun document disponible. Leur financement ainsi que leur déploiement territorialisé doit figurer dans la Feuille de route.

10) Renforcer l’accompagnement global (juridique, technique, administratif et si nécessaire social) des ménages avant, pendant et après les travaux
Pour le collectif : la feuille de route doit expliquer comment sera mis en place le Service publique de l’éfficacité énergétique pour l’habitat prévue dans la LTECV, ses missions, et les financements dont disposeront les collectivités de la part de l’Etat pour le mettre en place.

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