Jardin du clos à Douarernez

Une maison de retraite réalisée avec 1 600 mètres cubes de bois…

Le volume est impressionnant ! L’EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) Les Terrasses de Bellevue à Saint-­Doulchard (18), qui ouvrira en septembre prochain, joue indéniablement la carte du bois ! « Cet établissement de 6 500 m² est constitué de 80 % de bois », précise l’architecte parisien ­François ­Paccard, maître d’œuvre de ce projet. « Sur les 1 600 m3 de bois mis en œuvre, 1 200 m3 ont été utilisés pour la couverture en panneaux massifs autoporteurs et le reste en ossature bois et bardage », détaille ­Thierry ­Elvin, dirigeant de SAS Elvin à Bourges. L’utilisation du bois aurait-­elle le vent en poupe dans le secteur médical ?
« Je pense qu’il y a une vraie ouverture pour le bois, assure André Lefèvre, P-DG de la société Cruard Charpente (53). Les craintes concerneraient plutôt aujourd’hui le revêtement extérieur, car les maîtres d’ouvrage ne souhaitent pas refaire les façades tous les deux ans. » L’architecte Yann ­Brunel (93), qui collabore régulièrement avec cette entreprise mayennaise, confirme ces propos et ajoute : « Ils ont aussi peur des salissures, de l’entretien et que le matériau nuise à l’hygiène. »

Le point sur la réglementation
Il n’existe pas de réglementation spécifique pour les établissements médicaux en bois. La réglementation applicable est identique à celle des établissements recevant du public (ERP) et doit respecter le Code de laconstruction et de l’habitation. Comme pour les ERP, ils doivent notamment être conçus de manière à limiter les risques d’incendie, et il est impératif d’alerter les occupants lorsqu’un sinistre se déclare, de favoriser l’évacuation des personnes tout en évitant la panique, d’alerter des services de secours et de faciliter leur intervention. Par ailleurs, il convient naturellement de respecter la réglementation incendie, notamment la stabilité au feu d’un bâtiment, définie selon la catégorie et la hauteur de la structure.

Confort et chaleur

Panneau massif contre collé

Le bois demeure cependant un matériau de prédilection pour Yann ­Brunel. En 2007, il réalise les unités Piaget et Wallon du groupement hospitalier intercommunal Simone-­Veil d’Eaubonne-Montmorency (95) – réservées à la prise en charge hospitalière et psychosociale des personnes âgées – et opte pour une structure en poteaux-­poutres (voir Wood Surfer no 42).
« Le maître d’ouvrage craignait que ce bois en milieu psychiatrique soit détérioré par les patients, dit-il. Mais ils n’ont pas touché au bois, pas à un millimètre ! Ce matériau est ancré dans leur mémoire, et ils l’ont respecté. » En 2010, pour l’EHPAD Le Jardin du Clos à Douarnenez, avec une unité Alzheimer de 170 lits, il invente une architecture qui évoque le passé marin des résidents : quatre maisons distinctes reliées à une nef centrale en ossature bois poteaux-­poutres, des évocations de mâts de bateaux et des vues de mer. Ici, le bois magnifie les intérieurs : au niveau des sols des salles communes, sur une passerelle ou encore au plafond de la nef habillé de poutres en échelle. « Je pense que le bois a un bel avenir dans les établissements de santé, insiste Yann Brunel. Il rassure, apporte chaleur et confort visuel. »
Ces atouts sont mis en avant par de nombreux architectes, voire par certains maîtres d’ouvrage. « Pour l’ESEAN (NDLR : Établissement de santé pour enfants et adolescents de la région nantaise), nous souhaitions un bâtiment fonctionnel et agréable pour les enfants, un concept très chaleureux avec le plus de bois visible possible », témoigne ­Laurent ­Mathieu, l’ancien directeur de l’ESEAN, édifice de 6 700 m² ouvert en 2010 (avec 90 % d’ossature bois, un bardage en bois, des plafonds en bois, etc.). « Nous avons constaté que les patients et les familles apprécient beaucoup le bois. Ils sont moins angoissés, et l’atmosphère est plus détendue, ajoute ­Zahir ­Kaoula, chef de projet construction du site. Le bois n’a pas non plus causé de problème particulier. Il vieillit bien au niveau des façades et est actuellement dans une phase de mutation vers un gris cendré. »

Quelques précautions à prendre

Bureau d'études structure bois

Ce supplément d’âme apporté par le bois est un élément crucial pour un établissement de santé. Parmi les autres avantages du matériau, ­Francis ­Pichet, directeur de l’EHPAD de Saint-­Doulchard cite notamment « la rapidité du montage, la propreté du chantier, les avantages thermiques et esthétiques et la légèreté de la structure ». Un dernier facteur important sur ce chantier selon ­Francis ­Paccard, l’architecte du projet, car « le sol n’était pas de bonne qualité ». Afin d’éradiquer les risques d’infections nosocomiales, craintes du fait de l’utilisation du bois, les acteurs de ce projet ont par ailleurs planché sur le sujet avec le Comité de lutte contre les maladies nosocomiales.
« Lorsque l’on travaille sur des projets hospitaliers, la question de l’hygiène revient régulièrement, confirme ­Cédric ­Baelde, architecte au sein de Brunet-­Saunier Architecture, maître d’œuvre pour l’ESEAN. En l’absence de textes réglementaires normatifs ainsi que de publication de résultats de recherches sur le sujet, il en ressort quelques éléments de bon sens quant à l’utilisation du bois dans les établissements de santé, comme l’utilisation d’essences dites tanniques qui ont des vertus bactéricides, l’obturation éventuelle des pores du bois par vernis ou lasures naturels, l’application de vernis enveloppants bactéricides, etc. »

Trois questions à Suzanne Déoux : Le bois, un allié pour la santé ?

Suzanne Déoux est docteur en médecine et auteur de nombreux ouvrages de référence sur le lien entre bâtiment et santé. Elle expose ici les effets de la construction en bois sur la santé.

Wood Surfer : L’utilisation du bois dans un établissement médical présente-t-elle un danger pour la santé ?
Suzanne Déoux : Tout d’abord, ce n’est pas parce qu’un matériau est d’origine naturelle qu’il est pour autant sain ! S’il est utilisé pour l’ossature, il n’est pas en contact avec l’air intérieur et donc, cela n’est pas gênant. En revanche, en intérieur, selon le bois utilisé, cela peut être néfaste, notamment s’il s’agit d’un établissement qui accueille des enfants allergiques.

Portrait Suzanne Déoux

Quels sont les principaux problèmes rencontrés ?
Le bois émet naturellement des composés organiques volatils (COV) dont la quantité varie en fonction des essences et surtout des types de colles utilisés. Les industriels améliorent leur composition, notamment en limitant le formaldéhyde, qui augmente notamment les réactions allergiques. Les insecticides et fongicides utilisés pour sa préservation sont aujourd’hui des matières actives moins toxiques et moins volatiles. Les finitions en phase aqueuse remplacent peu à peu les produits solvantés. Quant à la radioactivité, seules les essences provenant de l’Est de l’Europe présentent des traces de césium 137, mais à des pourcentages négligeables, donc sans effet sanitaire.

Quid des acariens ?
Concernant les acariens, quel que soit le matériau de construction, il y en aura toujours ! Leur présence résulte d’erreurs comportementales : chambres trop chauffées, insuffisamment ventilées avec des taux d’humidité trop élevés. Il ne faut pas oublier que la régulation hygrométrique est essentiellement assurée par le renouvellement de l’air. En conclusion, le bois a un faible impact sanitaire si l’on veille à maîtriser les problèmes qu’il peut soulever.