Améliorer l’architecture

Les bâtiments agricoles ont de tout temps rythmé nos campagnes. Ferme sur cour, ferme fortifiée, hameau agricole…, ils constituent un élément fort du patrimoine rural. Souvent accompagnés de surfaces d’accès, de stockage ou d’une trame végétale, ils participent au paysage par leur volumétrie simple et grande. Mais l’architecture agricole a évolué à la mesure des mutations qu’a connues l’agriculture. Au cours du dernier siècle, de nouveaux modes de production ont été adoptés, la mécanisation s’est développée et des impératifs accrus d’ordre sanitaire ou environnemental se sont imposés. « Avec la concentration de l’agriculture actuelle, expliquait ­Hervé ­Cividino, directeur adjoint du CAUE du Loiret, lors d’un colloque sur le sujet en 2007, les exploitations grossissent, les bâtiments sont de plus en plus importants et ont donc un fort impact sur les paysages. Il faut savoir que, depuis une trentaine d’années, on construit environ dix millions de mètres carrés par an, ce qui correspond au tiers des bâtiments non résidentiels en France. Or leur forme, identique sur tout le territoire, est très pauvre du point de vue architectural. D’où une perte d’identité, une banalisation qui est mal ressentie par la société. » Améliorer l’architecture Face à ce constat, les pouvoirs publics et les représentants du monde paysan ont multiplié les initiatives : Charte sur l’insertion paysagère des bâtiments agricoles, Atlas du paysage, concours d’architecture, Charte Qualité BAB (Bâtiments agricoles en bois)… D’autres actions sont menées, depuis quelques années, dans plusieurs régions de France, à l’initiative des CAUE, des chambres d’agriculture et des ministères concernés. Des collectivités locales les soutiennent au moyen, notamment, d’incitations fiscales. Du coup, petit à petit, en marge des standards économiques, des réalisations originales contribuent à modifier nos regards sur ces bâtiments qui jalonnent les paysages périurbains et ruraux. Elles font évoluer les demandes vers une plus grande qualité de construction, intégrant de mieux en mieux les enjeux liés au développement durable.

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Les bâtiments se caractérisent le plus souvent par des volumes simples et généreux avec de grands ouvrants, indispensables au passage des machines, au stockage des récoltes ou à la stabilisation des animaux. Abattoir, architecte : F.Nicolas (Apt, 84)
Photo : Hervé Cividino CAUE 45

Vers des bâtiments plus verts

Autrefois simples abris annexes de fermes, les bâtiments agricoles sont devenus des constructions complexes qui s’adaptent sans cesse aux nouveaux systèmes de production et aux exigences environnementales. Outre les évolutions techniques, la concentration de l’agriculture se traduit par des exploitations plus étendues avec des bâtiments de taille de plus en plus importante dont l’impact sur le paysage et l’environnement doit être maîtrisé. Pourtant, très peu d’initiatives d’écoconstruction concernent les bâtiments agricoles. Si les agriculteurs s’engagent de plus en plus dans des démarches de développement durable pour leurs systèmes d’exploitation et leurs activités, ces démarches concernent encore rarement leurs bâtiments. C’est pour les aider à adopter une approche plus « responsable » que l’Institut de l’élevage et ses partenaires (IFIP, ITAVI, chambres d’agriculture, SICA HR…) ont par exemple mis en place une charte « Écoconstruction des bâtiments d’élevage » dont l’application par les éleveurs est volontaire. Cette charte leur permet de construire un bâtiment respectueux de l’environnement tout en prenant en compte les contraintes spécifiques liées à l’activité d’élevage. La réponse du bois Une gamme étendue de matériaux est aujourd’hui proposée, permettant une architecture agricole de qualité, personnalisée et écoconstruite. Bois massif ou reconstitué, bâtiment simple ou architecturé, confort des animaux, organisation de l’espace, solidité, durabilité, respect de l’environnement : la construction bois concrétise chaque attente propre aux bâtiments agricoles. Sur le chantier, le bois représente un gain de temps car il est facile à mettre en œuvre (sans eau ni sable) et les bardages peuvent être prémontés. En cas d’incendie, contrairement aux idées reçues, le bois résiste mieux que d’autres matériaux car toute la structure n’est pas emportée par la chaleur de la combustion. De plus, le bois se prête facilement aux aménagements : il est toujours possible de démonter pour procéder à une extension. Pour les bâtiments d’élevage, les propriétés isolantes du bois assurent un confort thermique élevé. L’aération est meilleure, la condensation réduite et les bruits sont absorbés : autant d’avantages qui améliorent la qualité sanitaire des troupeaux et facilitent le travail de l’éleveur. Écologiques, durables et d’une grande qualité esthétique et d’ambiance, les bâtiments en bois permettent aux agriculteurs d’agir directement sur la construction des paysages de demain. À condition d’être également économes en énergie.

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Les systèmes constructifs en bois présentent de nombreux avantages pour les bâtiments d’élevage, parmi lesquels le bien-être du bétail.
Photo : BAB

Maîtriser l’énergie à la ferme

Fioul des tracteurs, électricité pour le chauffage et ventilation des bâtiments d’élevage, chauffage des serres, séchage des fourrages, irrigation : l’énergie est un élément essentiel pour la production agricole. Par ailleurs, les agriculteurs utilisent des produits (aliments pour leur bétail, engrais, etc.) dont la fabrication et le transport ont un coût énergétique important qui, au final, pèse sur le budget des exploitations. Lancé par le ministère de l’Agriculture et de la Pêche le 3 février 2009, le Plan performance énergétique des exploitations agricoles est la traduction concrète de l’objectif du Grenelle de l’environnement visant « à accroître la maîtrise énergétique afin d’atteindre un taux de 30 % d’exploitations agricoles à faible dépendance énergétique d’ici 2013 ». Ce plan se fonde notamment sur un large développement des diagnostics des exploitations afin d’identifier les améliorations possibles. Sur les 100 000 diagnostics prévus sur cinq ans, seuls 6 000 à 7 000 diagnostics ont été réalisés à fin octobre 2010. On peut cependant en tirer quelques enseignements. Ainsi constate-­t‑on que la consommation globale d’énergie n’a guère augmenté depuis 2006 : 23,6 GJ/ha de SAU* soit 662 EQF**/ha, contre 562 il y a quatre ans. « Ces chiffres sont sans doute révélateurs d’une prise de conscience de l’importance de l’énergie en agriculture, commente ­Christine ­Fortin, chargée de mission Énergie au ministère de l’Agriculture. Et cette prise de conscience s’est accrue en particulier depuis l’augmentation du prix des énergies fossiles de 2005 puis de 2007. » Autre résultat intéressant : cinq postes de consommation cumulent 82 % des dépenses totales d’énergie, soit 19,3 GJ/ha. Ce sont les achats d’aliments (22 %), les fertilisants (21 %), le fioul (18 %), l’électricité et l’eau (13 %) puis le matériel (8 %). Les autres postes de consommation d’énergie (semences, produits phytosanitaires, bâtiments…) représentent donc 18 % de la consommation totale des exploitations (soit 4,3 GJ/ha). « Si ces postes sont en général moins importants que les principaux postes, ils ne sont pas à négliger, car pour 20 % des exploitations, ils représentent plus de 25 % de la consommation d’énergie totale », précise ­Christine ­Fortin. À côté de ces consommations directes, ce sont les énergies indirectes (engrais, aliments, intrants…) qui prédominent toujours, avec 64 % de la dépense totale d’énergie. Quant aux émissions de gaz à effet de serre des exploitations, on note la part prédominante du méthane (43 % des émissions totales) produit par la rumination et les déjections d’élevage, suivi du protoxyde d’azote (35 %) issu de la fabrication des intrants et de la fertilisation azotée aux champs. Enfin, les émissions de CO2 (22 %), issues de la consommation des produits pétroliers et de la fabrication des intrants mobilisés par l’exploitation (engrais azotés, matériels, bâtiments), arrivent en troisième position. * SAU : Surface agricole utile ** EQF : Équivalent litre fioul

La place des ENR

Face à ces résultats, le Plan performance énergétique des exploitations agricoles prévoit d’encourager les bonnes pratiques en aidant les agriculteurs à acquérir du matériel moins gourmand en énergie, à recourir à des aliments locaux pour leurs bêtes, à réduire l’utilisation d’intrants azotés, à se lancer dans des projets de production d’énergie renouvelable… Dans ce domaine, l’agriculture dispose de nombreuses ressources : effluents d’élevage et résidus de cultures utilisables dans les installations de méthanisation, biomasse agricole et forestière exploitable dans les chaudières, surfaces de toitures disponibles pour poser des panneaux photovoltaïques thermiques et solaires. Les tarifs d’achat d’électricité « verte » incitant à la vente d’électricité ont boosté ces filières depuis 2006. Cependant, un état des lieux fin 2008 des installations en fonctionnement montre que ces nouvelles filières énergétiques ne concernent qu’environ 1 000 exploitations pour une production énergétique estimée à 72 GWh, soit 1 ‰ de la consommation électrique française. Le décret du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité photovoltaïque a créé de nouveau stupeur, incompréhension et profonde déception chez les agriculteurs. Comme de nombreux autres professionnels, ceux-ci souhaitent s’assurer que les projets engagés ne seront pas pénalisés et obtenir enfin des règles claires, un cadre lisible et un espoir durable. La méthanisation : une filière prometteuse La méthanisation agricole bénéficie d’un soutien important de la part des pouvoirs publics. Ses avantages sont nombreux : production d’électricité et de chaleur, réduction des émissions de méthane, utilisation des effluents d’élevage avec une diminution des nuisances olfactives, contribution à une gestion territoriale des déchets, possibilité d’utilisation des digestats à des fins agronomiques… Selon une étude de l’ADEME et de GrDF, les récentes évolutions économiques, réglementaires et techniques devraient concourir à la pérennité de la filière.