L’architecture gothique, qui a fleuri à partir du milieu du XIIe siècle autour de Paris, intègre des quantités importantes de renforts en fer ou en acier, mis en évidence par les recherches historiques et archéologiques. Mais les cathédrales sont des bâtiments vivants, qui ont vu se succéder au fil des siècles des chantiers à des fins de modification, de réparation et de conservation. Aussi, si certains indices architecturaux et technologiques ont pu laisser penser que le métal faisait partie de la conception initiale, la date de son intégration faisait toujours débat. Jusqu’à ce qu’une équipe interdisciplinaire de chercheurs français réussisse, pour la première fois, à dater de manière fiable par le radiocarbone le fer des cathédrales. En croisant leurs compétences (en archéologie, histoire, sciences des matériaux, chimie…), ils viennent d’apporter la preuve que les renforts métalliques ont été pensés dès l’origine comme un complément à la pierre. Les chercheurs sont parvenus à ce résultat en mesurant la quantité de carbone 14, présent à l’état de trace dans le métal. En effet, en Europe, jusqu’au Moyen Age, le minerai est réduit en métal dans des fourneaux utilisant du charbon de bois, dont une partie du carbone diffuse et se retrouve piégée dans le métal (sous forme de lamelles de carbures de fer). Ainsi, on peut extraire ce carbone du métal, dater l’arbre qui a servi à obtenir le charbon, et estimer l’âge du métal. Cette approche de datation absolue ouvre la voie à un renouvellement des connaissances autour des chantiers de construction médiévaux. L’équipe de chercheurs va prochainement réaliser des prélèvements sur la Sainte-Chapelle et s’intéresse aussi à la datation des temples et au commerce du fer dans l’Empire khmer.Cette étude est le fruit d’une collaboration entre le Laboratoire archéomatériaux et prévision de l’altération (CNRS/CEA), le Laboratoire de mesure du carbone 14 (CNRS/CEA/IRD/IRSN/Ministère de la Culture et de la Communication) et l’équipe Histoire des pouvoirs, savoirs et sociétés de l’Université Paris 8.