L’’eau chaude solaire est un enjeu important : la production d’eau chaude sanitaire représente 12% de la facture énergétique d’un foyer, presque autant que tous les autres postes réunis, excepté le chauffage. Dans les pays du sud, la production solaire a depuis longtemps conquis l’habitat collectif ; la surabondance d’énergie solaire efface les pertes de rendement qu’impose la desserte de nombreux appartements par un seul circuit d’eau chaude. Plus au nord, comme en France, l’eau chaude solaire donne de moins bons résultats en collectif que chez les particuliers, du fait de la distance très importante qui sépare appartements et stockage de l’eau chaude solaire : plusieurs centaines de mètres dans les cas extrêmes. Cet éloignement génère des pertes en cascade, par la forte longueur de tuyaux bien sûr, mais aussi à cause de la circulation forcée ayant lieu en permanence dans le circuit. Cette « recirculation sanitaire » (servant à éviter l’attente de l’eau chaude par l’utilisateur) induit a elle seule 30% de pertes d’énergie. D’autres problèmes se font jour en parallèle, comme le dimensionnement d’un système prévu pour des appartements pas toujours occupés, et qu’il faut pourtant desservir… pour rien ! Le surcoût du solaire se justifie alors peu, du fait de gains très amoindris. Un circuit court « distribué » L’industriel français ­Piacezinc, installé à Savigneux, dans l’Ain, a conçu un réseau d’eau chaude solaire collectif novateur, qui s’affranchit de la boucle de recirculation d’eau chaude sanitaire. Chaque appartement dispose d’une petite réserve d’eau chaude solaire et prélève la chaleur qui lui manque sur le circuit solaire général. Ce circuit de chaleur, très court, ne fonctionne que lorsqu’il y a du soleil à prélever par les panneaux et « propose » son énergie à ceux qui en ont besoin. Le système devient « intelligent » ou « distribué » : plutôt que de centraliser une grande masse d’eau équivalente à la moyenne des besoins, chaque appartement dispose de son propre stock d’énergie verte et la gère de manière individuelle. Une analogie peut être faite avec un réseau Internet qui ne mutualiserait pas l’information, mais la chaleur : le risque de panne générale est limité, les ressources optimisées au maximum, chacun ne prélève que ce dont il a besoin, il n’y a plus nécessité d’un vaste stockage centralisé au matériel onéreux et dimensionné pour gérer de tels flux centralisés. Des atouts pour séduire Principal avantage du système : une économie d’énergie supérieure d’au moins 30% à un système solaire classique utilisant une boucle de recirculation. À cela s’ajoutent les économies réalisées chaque fois qu’un appartement est peu occupé ou inoccupé. Côté intégration, il n’y a plus de contraintes de distance entre les panneaux solaires et le stockage de l’eau chaude, d’où une plus grande liberté architecturale. Le système présente également une plus grande fiabilité et une meilleure tolérance à la panne ; même une défaillance de la boucle primaire permet aux appoints de chaque appartement de prendre le relais, et une intervention sur un seul appartement ne pénalise plus les autres. Côté maintenance enfin, plus besoin de relève de compteur d’eau chaude dans chaque appartement. Fort de ces différents atouts, le système proposé par ­Piacezinc a un coût d’installation légèrement supérieur à celui d’une solution solaire classique. Par ailleurs, la présence d’un placard est indispensable dans chaque appartement (ou sur un palier), sachant que la petite réserve solaire est légèrement plus grande (et vient en remplacement) que les ballons d’eau chaude électriques. C’est aussi un système plus difficile à installer en rénovation puisqu’il ne peut emprunter une boucle de recirculation existante. Enfin, la maintenance de la réserve est légèrement plus chère car elle implique la visite de tous les appartements au lieu d’une seule installation, mais, en cas de panne, les interventions ne nécessitent que du « petit » matériel conventionnel. Au final, on parvient malgré tout, avec ce système, à obtenir le confort d’un ballon d’eau chaude électrique, en simplifiant l’installation et en permettant de substantielles économies d’énergie ! Ces arguments ont d’ailleurs convaincu les premiers maîtres d’ouvrage et, après une validation par les bureaux d’études thermiques, une première installation ­Piacezinc de ce type est en cours de réalisation par la SARL Mendes-­Tony, à L’Isle-sur-la-Sorgue (84). D’une surface de panneaux de 30m2 par bâtiment pour 120m2 au total, elle alimentera en eau chaude solaire la quarantaine d’appartements de la résidence La ­Muscadelle. ­Piacezinc ne souhaite évidemment pas en rester là et espère persuader d’autres maîtres d’ouvrage et architectes afin de démocratiser l’énergie solaire thermique dans l’habitat collectif. Chacun ne prélève que ce dont il a besoin.