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Chargements de feuillus en sortie de four.
Photo : Bois durables de Bourgogne

Le principe général est identique pour toutes les techniques de thermotraitement : modifier le bois au niveau moléculaire en le chauffant, afin de le rendre durable et imputrescible, et cela sans faire usage d’aucun produit chimique. La montée en température progressive – pouvant atteindre près de 250 °C – fait subir au matériau une série de transformations chimiques. De cette « cuisson » résulte une dégradation des celluloses, la réticulation de la lignine et la modification de la structure cristalline du bois. Désormais, le matériau est moins hydrophile et en conséquence peu sujet aux variations dimensionnelles dues à l’humidité. Dépouillé de ses sucres, il est beaucoup moins – voire plus du tout – sensible aux attaques de champignons et d’insectes. Un bois thermochauffé acquiert donc de réelles caractéristiques d’hydrophobie, de stabilité dimensionnelle et de durabilité qui théoriquement lui permettent de prétendre à une classification III ou IV. La teinte caramélisée obtenue est homogène et pénètre dans la masse.

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10 % de la production européenne

À l’occasion d’une journée organisée par le CeTIFAB le 30 septembre 2011, l’expert ­Gilles ­Négrié spécialiste « séchage énergie » au pôle « première transformation approvisionnement » de FCBA, avait estimé que la production française de bois modifié thermiquement avoisinait les 25 000 m3, soit environ 10 % de la production européenne – 60 % étant portés par le pays leader de cette technologie : la Finlande.
Pour l’essentiel, on modifie thermiquement en Europe des résineux (à près de 80 %). Aussi, c’est sur le choix des essences transformées que la France manifeste son originalité : l’essentiel des entreprises qui s’engagent sur la voie de la modification
thermique s’intéresse aux feuillus des forêts hexagonales. « Les feuillus – qui représentent deux tiers de la production française – ne sont pas imprégnables, explique ­Louis ­Naudot, dirigeant de Dumoulin bois. La chauffe est un bon moyen de valoriser des bois qui pour l’instant sont surtout utilisés dans l’emballage. En vingt ans, la valeur du feuillu s’est divisée par trois. Les traitements thermiques permettent de nouveaux emplois en extérieur pour des essences telles que le peuplier, le frêne, le hêtre et le chêne qui peuvent ainsi être des alternatives durables et locales aux bois tropicaux d’importation. »

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Deuxième four : la demande est là

La société Dumoulin bois, déjà équipée d’un premier four (technologie Besson) depuis juin 2008, disposera à compter de janvier 2012 d’un deuxième four à Alençon (61), sur le site de la nouvelle succursale BMT Productions qui usinera des bardages, lames de terrasses et du lamellé-­collé en bois thermotraité. Le cluster Bois durables de Bourgogne a également investi dans un second four (technologie Jartek/Thermowood) opérationnel depuis septembre 2011 – le premier ayant été mis en service deux ans auparavant. L’entreprise Silvalbp qui a opté pour un procédé proche des technologies finlandaises est aussi équipée d’un deuxième four lui permettant d’envisager une production annuelle maximale de 8 000 m3… L’acquisition d’un four est un investissement lourd (entre 500 000 et 600 000 € en moyenne), aussi est-il manifeste que ces PME parient sur le développement du marché. « Nous développons des produits thermostabilisés (l’appellation choisie par Sivalbp) depuis quatre ans, et depuis deux ans, il y a un véritable développement du marché : les ventes progressent chaque année, constate ­Mathieu ­Blanc, directeur commercial de Sivalbp. On sent une évolution de la demande notamment pour les mises en œuvre à l’extérieur : le procédé est de plus en plus connu, les clients savent que les bois thermostabilisés sont fiables et pérennes, que le traitement thermique permet un bon rapport qualité/prix et qu’il a un faible impact carbone. » Sur l’activité de thermostabilisation, Sivalbp produit principalement des bardages et lambris en pin nordique et épicéa du Nord. L’entreprise traite en quantité des résineux selon un procédé proche de celui employé en Finlande et commence des démarches de certification auprès de FCBA. Rappelons qu’à ce jour, en France, Thermowood‑D de Finnforest est le seul bardage thermotraité bénéficiant d’un avis technique du CSTB (no 2/10‑1417).

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Démarches de certification FCBA…

Pourquoi un tel vide documentaire et normatif concernant les produits en bois thermotraités français ? « En 2002, FCBA avait déjà travaillé sur ce sujet. Mais les résultats étaient disparates et nous avions suspendu ces travaux en attendant une évolution significative des pratiques de thermochauffage », rappelle ­Gilles ­Négrié. En 2011, la production et les technologies paraissent suffisamment matures pour que les études puissent être correctement menées. « Nous commençons tout juste une démarche d’étude dans l’optique d’une certification des feuillus modifiés thermiquement (chêne, hêtre, frêne, peuplier et châtaignier.) Les essais vont durer au moins deux ans : c’est le temps nécessaire pour tester la durabilité pour une classe d’emploi IV et donc constater si l’on observe une dégradation au contact direct des intempéries. » Ces essais sont gérés par FCBA à la demande de la Fédération nationale du bois, et bénéficient d’un financement France Bois Forêt. Ils porteront sur des bardages et des platelages.
« Pour ce qui relève des procédés, nous avons établi en 2011 un état des lieux des différentes technologies présentes sur le marché en Europe et en avons distingué plusieurs : les processus sous pression (le four WTT…),et les technologies à pression atmosphérique (les fours Besson et Jartek…). Dans un premier temps, sur la base du hêtre, nous allons développer des essais avec ces deux méthodes pour vérifier si la technologie est un facteur déterminant dans la certification, et donc s’il faudra tester les procédés un par un, ou si au contraire on obtient des résultats équivalents quel que soit le four. » Les essais, qui porteront sur les mêmes exigences que celles requises actuellement pour l’emploi du bois non traité dans les DTU bardage (41.2) et platelage (51.4) traditionnels : la durabilité, les qualités mécaniques et les questions de fixations, permettront de déterminer l’aptitude à l’usage des feuillus thermotraités dans ces emplois.

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… et avis techniques indépendants

Car l’enjeu est de taille : donner une ouverture supplémentaire au marché en proposant des produits qui montrent patte blanche aux bureaux de contrôle, pour l’instant souvent réticents à mettre en œuvre les produits thermotraités hexagonaux. Derrière la certification, ce sont les possibilités d’apporter assurances et garanties qui sont en jeu. Mais les certifications françaises sont chères, inabordables pour les PME qui composent le paysage du bois chauffé.
Pour l’instant, ce sont les fabricants qui proposent leurs garanties et certifications propres… ou pas. L’entreprise Sefcco, qui produit du bois rétifié depuis 2001 (Sefwood), dispose d’un avis technique TNO (organisme certificateur néerlandais) qui garantit la qualité et la durabilité de ses produits. Ajoutons que le fabricant assure une garantie produit de dix ans, un gage supplémentaire qui permet de rassurer les prescripteurs des marchés publics et tertiaires (dans les mises en œuvre de bardages et de brise-­soleil principalement), selon ­Étienne ­Cuny, responsable commercial de l’entreprise.
Chez Bois durables de Bourgogne, un doctorant travaille sur la question de la documentation des produits. « Des essais sont menés avec des laboratoires indépendants sur la durabilité, les classes d’emploi et le classement au feu, explique ­Yves ­Ducerf. Nous les soumettrons ensuite à FCBA et au CSTB pour qu’ils soient validés. Cette façon d’envisager les certifications est beaucoup plus abordable économiquement pour nous. »
Selon les industriels, la demande pour les bois thermochauffés devrait notablement se développer d’ici deux ans. « Nous serons particulièrement intéressants lorsque l’analyse des cycles de vie (ACV) prendra une part importante dans le choix des matériaux, résume ­Louis ­Naudot. Il est donc capital que nos produits soient documentés, si nous voulons prendre notre vraie place sur le marché. »