C’est depuis la grande médiatisation de la façade végétalisée du musée des Arts premiers au Quai Branly à Paris en 2004, que le marché du mur végétal a réellement décollé. Laurent Heine, associé fondateur d’Héliotrope, va même plus loin en affirmant que c’est grâce à son auteur, Patrick Blanc, que le marché existe tout simplement. Et les marchés, cet « ambassadeur » du mur végétal continue de les créer à chacun de ses chantiers à l’étranger. Si pour l’instant, les Français restent encore leaders mondiaux en la matière, leurs réalisations se doivent d’être à la hauteur et dans la longueur. Pour garantir cette durabilité dans le temps, un entretien sérieux et régulier s’avère donc indispensable. La clé de ce dernier ? La surveillance du système d’irrigation. Un manque d’information persistant Avec une expérience de près de 15 ans dans la toiture végétalisée, la société Le Prieuré était déjà très sensibilisée aux aspects liés à l’entretien car « nous voyons trop de toitures absolument pas entretenues », remarque Emmanuel Sterlin, chef de marché. Alors, quand il a été question de se lancer dans la façade végétalisée, en réponse aux architectes qui souhaitaient avoir une continuité de la toiture sur la façade, voire même avec le sol, l’aspect entretien a rapidement été intégré dans leur réflexion et leur cahier des charges. L’objectif ? Limiter au maximum l’entretien. Mais il faut bien admettre que l’entretien d’une façade est vraiment supérieur à celui d’une toiture, lié principalement à une exigence esthétique plus forte. « Je parle d’entretien minime, mais j’insiste bien sur l’entretien de l’arrosage, qui est véritablement fondamental pour la survie des plantes. Nous avons connu des contextes de projets où la maîtrise d’œuvre a fini par abandonner l’idée d’une façade végétale, car elle savait que personne de la maîtrise d’ouvrage ne viendrait jamais remettre en route le système au printemps, ni l’hiverner et encore moins le surveiller en plein été. » Dans le pire des cas, cette prise de conscience arrive trop tard et le mur n’a pas pris, est en train de mourir ou est déjà mort. À tel point que Laurent Heine (Héliotrope) prévoit « une campagne de presse très négative contre le mur végétalisé, car pas mal de murs sont en train de mourir en France à cause d’un défaut de surveillance, mais aussi de la méconnaissance de certains entrepreneurs paysagistes opportunistes. » Si le principe du mur végétal paraît simple et tentant pour certains, les subtilités techniques sont bel et bien là et font toute la différence. « Il y a tout de même un fossé entre des sociétés qui ont investi 100000, 200000 voire 300000 euros dans la recherche et des professionnels multiactivités (pavage, dallage, irrigation, muret, clôture et mur végétal), qui n’ont pas dépensé cette somme », insiste Laurent Heine qui dénombre en France seulement quelques sociétés sérieuses. Paradoxalement, si les Français sont leaders sur le marché du mur végétal, le manque d’information des maîtrises d’ouvrage et maîtrises d’œuvre persiste. Car mise à part la question de l’entretien, l’aspect prix n’est pas non plus toujours bien pris en compte. « Beaucoup de projets ont été annulés car leurs architectes ne s’étaient pas suffisamment renseignés sur les prix, ce qui a conduit à des dépassements de budget, s’étonne encore Laurent Heine. Certains appels d’offres sont également mal goupillés techniquement. Par exemple, un recyclage d’eau pour un mur de 100m2 avec un bac prévu à cet effet qui ne fait même pas un demi-mètre cube ! » Mais le temps fait son œuvre et « heureusement, quelques appels d’offres un peu sérieux commencent à sortir avec une structure en Inox ou en aluminium de prévue, pour éviter que cela ne rouille, ce qui est déjà bien. » Pour Emmanuel Sterlin, un projet qui marche c’est un projet qui a été bien pensé dès le départ. « L’étude préalable, c’est donc l’un de nos chevaux de bataille. » Mais un projet bien ficelé sous-entend des interlocuteurs, sources de renseignements. Or, la profession des murs végétalisés n’est pas encore structurée autour d’une association, d’un groupement ou d’un syndicat qui pourrait jouer ce rôle. « Bien sûr, c’est la solution, mais c’est une question de temps, de taille de marché et de dimensionnement de société (les plus grosses sociétés doivent compter 5 ou 6 personnes) », reconnaît Laurent Heine. La marche à suivre Si le principe technique est identique pour toutes les sociétés, à savoir du substrat, des plantes et un système d’irrigation, les différences existent malgré tout comme pas le même substrat, pas forcément le même réseau goutte à goutte, pas la même densité… En fonction de leurs systèmes, les professionnels du mur végétalisé font donc leurs propres recommandations. Mais tous s’accordent à dire que le préventif est préférable au curatif. « Le coût de quelques passages annuels dans le local technique n’a strictement rien à voir avec celui d’un changement de plantes le jour où il y a un réel problème ! », insiste Laurent Heine. Pour éviter d’en arriver là, une surveillance régulière suffit. La grande distinction à opérer est tout d’abord celle entre un mur végétalisé conçu avec un recyclage de l’eau et un mur sans. Pour les murs « sans », c’est-à-dire reliés au réseau d’eau de la ville, Héliotrope préconise un passage tous les deux mois pour nettoyer les filtres, sauf bien sûr en décembre, en janvier et en février. En revanche, pour les murs équipés de ce système qui récupère l’eau, pas exclusivement pluviale, en pied de mur, les contraintes de nettoyage de la batterie de filtres augmentent la fréquence de nettoyage à une fois par mois sur la même période. Pour Laurent Heine, « il s’agit là d’une base de départ, car l’environnement immédiat du mur peut jouer un rôle dans la fréquence d’entretien. Ainsi, si lors de chaque passage il est remarqué que les filtres sont propres, il pourra être envisagé d’espacer la fréquence de passage. L’entretien proposé est donc celui par défaut, sachant qu’il faut compter un passage de plus en zone méditerranéenne. » Concernant le système Vertigreen (Le Prieuré), employant des sédums précultivés, l’entretien se limite à une remise en route du système d’arrosage au mois d’avril, une vérification jusqu’aux mois de juillet-août, puis un passage par mois pendant l’été et enfin, un hivernage du système à la fin de l’automne, c’est-à-dire une purge du réseau d’arrosage. En revanche, pour le système Vertical ID, à base de plantes grimpantes prévégétalisées en pépinière, il faut rajouter une opération de taille qui va être réalisée une à deux fois par an. « Tout dépend du niveau d’exigence esthétique », précise Emmanuel Sterlin. Mais tous les systèmes ne sont pas précultivés, il s’agit chez Héliotrope d’une option. Dans ce cas, l’entretien supplémentaire concerne les mauvaises herbes, plus présentes la première année car « la nature a horreur du vide », rétorque Laurent Heine. En plus de toute cette surveillance du système d’irrigation, il faudra de toute façon prévoir ce que les entreprises appellent communément une « nacelle » par an, c’est-à-dire un nettoyage complet des plantes. En temps et en heure Si Héliotrope dispose d’un réseau de 70 sociétés paysagistes partenaires qui assurent des visites d’entretien régulières partout en France, les nouvelles technologies peuvent permettre de fournir des informations précieuses en plus de cette réactivité. Pour Le Prieuré, il ne s’agit pas de simplement arroser, mais d’apporter l’eau au plus près des besoins de la plante. Pour cela, des systèmes de capteurs d’humidité existent dans les jardinières et dans l’air. « Ces systèmes, couplés avec un programmateur, peuvent par exemple éviter un arrosage alors qu’il vient de pleuvoir, développe Emmanuel Sterlin. Ces systèmes de programmation peuvent ensuite être recouplés avec des systèmes d’alerte à distance, mais nous ne les avons pas encore mis en œuvre. » En revanche, chez Héliotrope, un système d’alerte sur téléphone portable est directement intégré sur des projets d’architecture de plus de 200 m2, permettant une gestion en direct du mur. « Le végétal, cela met du temps à parler. Si un client appelle car il a remarqué un arbuste qui fait grise mine, il est déjà trop tard. L’important est donc d’avoir la gestion de l’information, ce qui sous-entend d’avoir l’information à temps », argumente Laurent Heine. Mais d’ici à ce que cette gestion informatique du mur végétal soit reliée au système général de gestion technique du bâtiment (GTB), il y a plusieurs pas ! En effet, à en croire Laurent Heine, le rapprochement entre le bâtiment et le mur végétalisé est encore récent et se fait petit à petit. « Pour l’instant, nous voyons encore beaucoup d’appels d’offres qui intègrent la façade végétale dans le lot “espaces verts”, mais on sent que le marché va glisser vers le bâtiment. Certes, nous sommes sur un marché réactif, mais il y a toujours un décalage entre la réalité du terrain et l’évolution des mentalités. » Mais si la technologie commence à entourer le mur végétal, elle s’y est également infiltrée, car la nature même de la plante et ses besoins, en eau principalement, constituent un axe de développement pour les entreprises du secteur. Des plantes qui n’ont plus besoin d’eau, serait-ce possible ? « C’est un peu le rêve des architectes, mais dans ce cas, nous nous dirigerions vers une pauvreté de la gamme. »  Julie Niel-Villemin Différentes espèces, mais une même procédure d’entretien Chez Wallflore, les systèmes de façades végétalisées sont fondés sur l’utilisation de panneaux modulaires dont le plus grand modèle mesure 60 x 100cm (disponible en 8 dimensions) et dans lesquels les végétaux se développent. Tout comme les éléments du système de fixation, les châssis des panneaux sont fabriqués en aluminium, et ne nécessitent aucun entretien particulier. En ce qui concerne la partie végétale, quelles que soient les espèces plantées, la procédure d’entretien reste la même. Seule la vitesse de croissance naturelle des végétaux va conditionner la fréquence des interventions. Après la mise en œuvre d’une façade végétalisée, la couverture végétale complète va s’étaler sur environ 12 mois, incluant ainsi au moins une période végétative, à savoir de mars à juin. Si l’entretien de niveau 1 consiste en une réalimentation en engrais du réservoir de la centrale d’irrigation et un contrôle de l’état sanitaire des végétaux à hauteur de 5 interventions par an d’avril à octobre (jusqu’à 7 interventions dans les zones climatiques méridionales, soit mars et novembre en plus), le niveau 2 concerne, lui, le taillage des branchages et le nettoyage des feuillages tous les 2 à 3 ans selon les types de végétaux. Côté irrigation, le système est constitué d’un réseau de gaines à goutteurs insérées dans les rails en partie haute des panneaux Wallflore, et les centrales d’irrigation sont équipées de systèmes de surveillance 24h/24. Elles sont capables d’appeler la société de maintenance en cas de dysfonctionnement (fuite, manque d’eau, d’engrais, etc.) via un modem de téléphonie mobile ou une ligne ADSL. Pour ce qui est de l’entretien, le nettoyage des filtres, l’échange des batteries de secours, le contrôle de l’étanchéité (avec échange de joints en cas de nécéssité) s’effectuent une fois par an et le remplacement des gaines à goutteurs a lieu tous les 4 à 6 ans selon la teneur en calcaire de l’eau (dureté). « À noter que toutes ces opérations doivent être réalisées par des entreprises spécialisées et agréées par Wallflore », insiste Arnold Julia, responsable du bureau France de la marque.