Depuis 2004, date de la création de la norme NF P 01-010, 418 fiches de déclaration environnementale et sanitaire ont été publiées par les fabricants de produits de construction sur la base INIES. Parmi celles-ci, 115 concernent des isolants. Que nous enseignent ces fiches ? À quoi servent-elles ? Et sont-elles vraiment fiables ? Enquête.

Qui dit FDES ne dit pas nécessairement produits écologiques. Outils destinés à la maîtrise d’ouvrage et à la maîtrise d’œuvre, elles permettent d’effectuer des choix éclairés en matière de produits de construction. Polystyrène expansé, laine de roche, laine de verre, polyuréthane…, mais aussi laine de chanvre, plumes de canard, fibres de bois ou fibres textiles recyclées, les industriels de l’isolation font figure de bons élèves puisqu’ils sont parmi les plus actifs dans la publication de FDES.

Transparence volontaire

Ces déclarations, établies de manière volontaire par les fabricants de produits de construction, contiennent une analyse de cycle de vie (ACV) et des informations sur la contribution du produit à la qualité de l’environnement intérieur (santé et confort). Les ACV permettent d’évaluer le bilan d’un produit, depuis l’extraction des matières premières nécessaires à sa fabrication jusqu’à son élimination. « Les ACV nous apprennent surtout que la consommation d’énergie nécessaire pour toute la production, le transport et la fin de vie du produit, ne sont rien au regard de ce qu’il permet d’économiser sur toute sa durée de vie », énonce Benoît Lefèvre, responsable marketing pour Saint-Gobain Isover. Processus de fabrication, localisation de l’entreprise et de ses fournisseurs, énergie utilisée sur le site, matière première ou liant, l’ensemble de ces données permet également de relativiser certaines idées reçues sur le caractère écologique de certains produits. Mais pour un industriel, la démarche n’est pas simple à mettre en place. Selon Lucy Conté, chargée de l’isolant Métisse pour EBS Le Relais, la facture s’élèverait entre 30 et 40 000 euros. Chez Saint-Gobain Isover, le coût est estimé entre 15 et 20 000 euros. « C’est une somme certes importante, ajoute Benoît Lefèvre, mais comparée à un investissement industriel, ce n’est rien. Et il ne s’agit pas d’une question financière, mais d’une volonté de transparence. »

Volontaire, mais fortement incitée

Cette sincérité n’est tout de même pas totalement désintéressée. C’est d’abord l’occasion pour un industriel de faire réaliser une ACV, qui lui permettra d’identifier les postes les plus consommateurs et de trouver une solution pour diminuer ses coûts de fabrication. D’autant que cette partie peut être subventionnée par l’ADEME ou les Régions. Ensuite, les produits de construction distribués en grandes surfaces de bricolage devraient prochainement être soumis à un affichage environnemental. « Un industriel qui a déjà l’outil sera forcément plus réactif », commente Yannick Gaillard, responsable santé, sécurité, environnement produits chez Efisol. Enfin et surtout, dans le cadre de la démarche HQE, les maîtres d’ouvrage sont fortement incités à utiliser des produits ayant fait l’objet d’une FDES. Pour atteindre la cible 2, il faut entre autres « choisir des produits de construction afin de limiter les impacts environnementaux ». « Concrètement, nous explique Ludivine Lefebvre, du bureau d’études Act Environnement, cette exigence incite à faire des comparatifs entre produits et à justifier ses choix. » Et sans FDES, la comparaison est plus difficile. En revanche, pour ce qui concerne la prise en compte réelle de ces données environnementales, tout dépend de la volonté du maître d’ouvrage : « Si les impacts environnementaux des matériaux ne sont pas une priorité, il passera cette cible au niveau de base. Si, au contraire, cet aspect est important pour lui, nous prendrons en considération l’ensemble des facteurs environnementaux. »

Un outil de comparaison ?

La confrontation de deux produits au regard des FDES n’est cependant pas évidente, car les fiches ne sont pas des outils faciles à appréhender. « Ce sont des documents techniques qui se révèlent transparents pour des experts, mais qui sont peu accessibles pour le

grand public », constate Benoît Lefèvre. La comparaison doit, en matière d’isolation, nécessairement se faire pour des produits d’application et de performance équivalentes. Les différents isolants ont en effet des résistances thermiques, des caractéristiques de résistance mécanique, de résistance au feu ou une rigidité différentes, qui font qu’ils seront plus ou moins adaptés à telle ou telle application. Il faut également vérifier que l’unité fonctionnelle est la même (généralement 1 m2), ainsi que la durée de vie typique (généralement 50 ans). « Les FDES ne devraient pas être utilisées comme un outil de comparaison brutale et hors contexte des produits de construction, prévient Yannick Gaillard d’Efisol. Le but est surtout de fournir des caractéristiques environnementales objectives qui participeront à l’évaluation de la QEB : la qualité environnementale du bâtiment. » De toute façon, le choix s’opère aussi selon des critères économiques ou des besoins de certification. Bien que nécessaire, la FDES n’est donc pas, pour l’instant, l’outil suffisant et absolu permettant de choisir directement le meilleur isolant.

Faut-il y croire ?

Non seulement les FDES sont faites de manière volontaire, mais leur simple publication suffit de plus à les entériner. Elles ne font, sauf à l’initiative de l’industriel, l’objet d’aucun contrôle, tout au plus d’une relecture afin d’éliminer les allégations commerciales. Pour Ludivine Lefebvre, d’Act Environnement (dont l’un des pôles d’activités consiste en la réalisation de FDES), « en l’absence de vérification, il est vraiment facile de faire passer des erreurs et des oublis ». En effet, même si le calcul paraît très cadré, « il existe une grande latitude, d’un bureau d’études à un autre, dans l’interprétation des méthodologies, ce qui peut entraîner des écarts significatifs ». Le livret servant à calculer les données énergétiques, lui-même n’est pas parfait, puisqu’il contient « une erreur de facteur 1 000 au niveau des conversions ». La vérification par une tierce expertise indépendante permet de passer au crible l’ensemble de la méthodologie de travail et les hypothèses émises, et d’harmoniser les façons de travailler afin de limiter les différences et les erreurs. De la même façon, nous explique Ludivine Lefebvre, il est difficile de comparer les renseignements sanitaires : « Ainsi, les études sur les émissions de COV ne sont pas réalisées selon les mêmes protocoles d’essai. » Autre critique : la prise en compte ou l’absence de certaines données environnementales. Les fabricants d’isolants en fibres de bois regrettent par exemple que l’on ne retienne pas la capacité de leurs produits à piéger le CO2. De même, on s’interroge sur la mise en lumière du caractère recyclable d’un produit. Malgré quelques ratés, l’outil FDES permet tout de même aux maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre de s’interroger sur le choix des matériaux et d’initier une réflexion sur les impacts environnementaux et sanitaires des produits. Mais le choix des isolants ne peut se fonder sur ces seules données. C’est aussi cela le but des FDES : ne pas forcément pousser vers un seul matériau et tendre à effectuer, à chaque fois, le meilleur compromis en fonction de ce que l’on recherche.