5façades : Depuis quand est-il question d’interdire le dichlorométhane dans les décapants de peinture à usage professionnel ? Christian Galea : Ce produit est montré du doigt depuis longtemps maintenant. Il a été classé cancérigène suspecté de catégorie 3, R40 par l’Union européenne en 1994. C’est à cette même époque que des dérives dans la fourniture de cette matière première ont commencé. Le dichlorométhane (DCM) étant principalement utilisé dans la production de médicaments, certains fabricants de décapants se fournissaient auprès de grands laboratoires en déchets de dichlorométhane forcément moins chers et encore plus nocifs que le solvant propre d’origine. Aujourd’hui, nous sommes arrivés au terme de la démarche de santé publique visant à limiter les maladies professionnelles et à partir du 6 juin 2012, l’utilisation du dichlorométhane devra purement et simplement être bannie de tous les décapants de peinture à usage professionnel. Avant que cette question environnementale et sanitaire ne soit au goût du jour, LICEF avait sorti son premier décapant biodégradable (Logidecap) en 1994, et en 2000 naissait Feltor** ; qu’est-ce qui motive votre démarche environnementale (démarche HQE, respect des normes Reach) ? Le respect des hommes. Pour moi, les fabricants ont le devoir de mettre entre les mains des peintres professionnels les produits les moins nocifs possible. Avec les prévisions de disparition du dichlorométhane à moins de deux ans, nous assistons actuellement à un mouvement de panique dans la profession. Les fabricants de décapants dont le cœur de business est la fabrication de décapants chlorés se sentent menacés par cette mesure, et l’on voit fleurir sur le marché de multiples produits exempts de DCM et de ce fait présentés comme « propres », inoffensifs pour l’homme et l’environnement, alors qu’ils contiennent malgré tout pour certains jusqu’à plus de 20 % de produits nocifs. Vous avez effectué des tests pour le savoir ? Nous menons une veille active afin de nous assurer que nos produits ne sont pas contretypés ou nos brevets utilisés sans autorisation. Comment le peintre peut-il alors faire le tri entre les produits fiables et les autres ? Il ne le peut pas, parce que l’interprétation d’une fiche de données de sécurité est extrêmement difficile, voire impossible pour un non-initié et qu’ils s’en tiennent la plupart du temps au discours du vendeur. Avec notre gamme de décapants qui existe depuis dix ans, nous avons aujourd’hui un véritable recul sur l’efficacité de nos produits et leur caractère inoffensif. Pourquoi, dans ce cas, les organisations professionnelles du secteur ne commissionnent-elles pas un laboratoire indépendant pour faire ce travail de veille technologique des produits mis sur le marché ? Je pense que cela va se faire, c’est en tout cas ce que nous souhaitons. J’espère bien qu’avant l’échéance de 2012, le tri sera fait entre les bons et les mauvais décapants biodégradables. En attendant, c’est au professionnel de faire la démarche d’information sur le produit acheté ? Il n’y a que deux questions à poser au fabricant : « Ce produit est-il exempt de dichlorométhane et de tout autre produit nocif ? Et est-il inflammable ? » Il faut que le professionnel sache ce qu’il a entre les mains, ou ce qu’il met entre les mains de ses compagnons. L’occasion nous est donnée de montrer ce que l’on peut faire de bien sur ce sujet, où l’on est pas attendu, et de faire enfin tomber les idées reçues sur les décapants. Ces derniers ont l’image populaire d’un produit agressif aussi bien sur la peinture que sur la santé, or il est possible de formuler des produits sans dichlorométhane tout aussi efficaces sans pour autant qu’ils soient toxiques ou nocifs. Les organismes professionnels souhaitent attirer les jeunes dans la profession peinture, mais ce ne sera pas avec des produits toxiques, dont les formules datent des années 1960 et sont susceptibles de détruire la santé. Si l’aspect sanitaire ne fait aucun doute, qu’en est-il de l’aspect technique, un décapant sans dichlorométhane est-il aussi performant et s’applique-t-il de la même manière qu’un décapant chloré ? Non, des différences existent et elles sont plutôt favorables à nos décapants Feltor. Par exemple, l’application de décapant non chloré est mécanisable, contrairement à son homologue chloré. De plus, c’est un produit qui ne nécessite pas d’être lavé et sa consommation n’est pas soumise aux aléas météorologiques. En termes de méthodologie, la principale différence réside dans le temps d’action qui est plus long qu’un décapant chloré, de 1 heure à toute une nuit, alors que le décapant chloré agit en 20 à 30 minutes. Sur le chantier, il faut donc s’adapter et découper le travail en deux phases. N’est-ce pas compliqué de faire changer les habitudes de travail ? Chez les grands faiseurs, il n’y a pas de problème. Et même si c’est plus compliqué chez les petites entreprises, nous sommes aujourd’hui à 5 millions de mètres carrés décapés avec Feltor ! Et pour ce qui est du prix, y a-t-il une grosse différence ? Si l’on veut s’en tenir au prix facial du kilogramme, cette différence peut paraître énorme, cependant il faut regarder le coût global, retraitement des déchets inclus. Avec la gamme Feltor, le déchet n’est pas surclassé, contrairement aux décapants chlorés. Nous proposons d’ailleurs à nos clients une prestation de collecte mise en œuvre à prix coûtant, fournissant des contenants vides et de destruction des déchets de peinture après décapage. L’élimination s’effectue par incinération. Un bordereau de suivi des déchets industriels (BSDI) est systématiquement délivré à l’entreprise. Il constitue le document officiel Cerfa que celle-ci devra conserver au moins trois ans. * Décision n° 455/2009/CE du Parlement européen et du conseil du 6 mai 2009, modifiant la directive 76/769/CEE du conseil relative à la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi du dichlorométhane. ** Feltor contient 0 % de substances nocives dans sa composition, il est de surcroît biodégradable, neutre, évidemment exempt de solvant chloré, sans risque pour l’homme et l’environnement. Une fin programmée À l’annexe de la décision n°455/2009/CE du Parlement européen et du conseil du 6 mai 2009, est inscrit l’échéancier prévu de la fin du dichlorométhane : « Les décapants de peinture contenant du dichlorométhane à une concentration supérieure ou égale à 0,1%, en poids, ne doivent pas : a) être mis sur le marché pour la première fois après le 6 décembre 2010 en vue de la vente au grand public ou aux professionnels ; b) être mis sur le marché après le 6 décembre 2011 en vue de la vente au grand public ou aux professionnels ; c) être utilisés par les professionnels après le 6 juin 2012. » Mais il est également prévu que « par dérogation, les États membres peuvent autoriser, sur leur territoire et pour certaines activités, l’utilisation de décapants de peinture contenant du dichlorométhane par des professionnels ayant reçu une formation spécifique et peuvent autoriser la mise sur le marché de ce type de décapants de peinture aux fins de l’approvisionnement de ces professionnels ». Le Parlement européen précise qu’il entend par formation les aspects suivants : « a) prise de conscience, évaluation et gestion des risques pour la santé, notamment des informations sur les produits ou procédés de remplacement existants qui, dans les conditions où ils sont utilisés, sont moins dangereux pour la santé et la sécurité des travailleurs ; b) emploi d’une ventilation adéquate ; c) utilisation d’équipements de protection individuelle appropriés qui doivent être conformes à la directive 89/686/CEE. »