Patrick Liébus, Président de la Capeb et de European Builders Confederation (EBC), s’est exprimé le mardi 8 novembre 2016 devant le Parlement Européen afin de porter les revendications des artisans du Bâtiment à l’aune de la révision de la directive sur le travail détaché. Il a appelé les parlementaires à agir pour permettre l’émergence d’une concurrence saine, basée sur l’innovation et la spécialisation.

Réadapter la directive sur le travail détaché à la réalité contrastée du marché
Le marché du travail de l’UE a beaucoup évolué ces dernières années, avec l’intégration de 13 nouveaux États membres aux conditions économiques et de l’emploi qui diffèrent fortement de celles en place dans d’autres pays de l’Union Européenne.
Les chiffres sont sans appel : si l’on dénombre près de 2 millions de travailleurs détachés en Europe, ils sont 44% à travailler dans la construction soit 5% de la population active du secteur. Le besoin en main d’œuvre étant particulièrement important dans le Bâtiment, le coût de cette main d’œuvre a un impact critique sur la compétitivité des entreprises de l’artisanat du Bâtiment.

Les mêmes règles pour tous pour une concurrence plus saine
Au vu de cette situation, il apparaît comme fondamental que travailleurs détachés et locaux soient soumis aux mêmes règles, afin d’évoluer vers une concurrence fondée sur l’innovation et la spécialisation, pas sur les écarts salariaux. Le détachement doit être source d’emplois qualifiés pour répondre au besoin de main d’œuvre, et non un vecteur de fragilisation.

3 propositions pour une révision efficace de la directive :

  • Durée du détachement :
    – Fixer une durée maximale de détachement réaliste, définie conjointement avec les partenaires sociaux sectoriels et les autorités publiques ;
    – Prendre en compte les détachements dès qu’ils sont effectifs dans le calcul des durées cumulées en cas de remplacement des salariés – pour information, la durée moyenne dépasse rarement les 4 mois.
  • Agences intérimaires :
    supprimer le détachement par la voie de sociétés d’intérim, dont le recours abusif permet de contourner la loi du travail intérimaire. Il faut prendre en compte les conclusions du rapport Savary, indiquant une augmentation de plus de 3000% du détachement en France ces 5 dernières années.
  • Niveaux de rémunération :
    intégrer les accords fixés à l’échelon régional ou local, étant donné que les barèmes salariaux ne sont pas toujours fixés au niveau national, pour préserver les travailleurs.

Patrick Liébus, Président de la CAPEB et d’EBC, conclut : « À travers ces propositions, nous tenons à souligner la nécessité d’agir pour mettre fin à cette situation qui ne permet pas le développement d’une compétitivité saine, ni l’innovation et la montée en compétence du secteur. Nous sommes résolument engagés en faveur de la protection des travailleurs, de la lutte contre le dumping social et toute forme de concurrence loyale. »

 

Les chiffres en France du travail détaché
D’après la dernière étude « Analyse des déclarations de détachement des entreprises prestataires de service en France en 2013 » publiée par la Direction Générale du travail, les travailleurs détachés dans le BTP sont au nombre de 91 436 et réalisent 3,5 millions jours de travail. À côté de cette seule source officielle disponible, on estime qu’en France le nombre de travailleurs détachés déclarés en 10 ans a été multiplié par dix, passant de 26 466 en 2004 à 228 600 en 2014. Selon le Ministère du Travail, indique le député Gilles Savary dans son rapport sur la proposition de résolution sur le détachement de travailleurs, ce chiffre s’établit à 286 025 en 2015, soit une hausse de 25% par rapport à l’année précédente.

Rappel du contexte législatif au Parlement Européen
Examen en Commission « Emplois et Affaires Sociales » de la directive « Proposition de modification de la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services », dont la co-rapporteur est la députée Elisabeth Morin-Chartier. Les auditions du 8 novembre qui interviendront entre 15h00 à 17h00 sont publiques et disponibles sur le webstreaming du Parlement.

Suite de la procédure :
La Député européenne Elisabeth Morin-Chartier remettra le rapport qui lui a été commandé par la commission Emplois et Affaires Sociales du Parlement Européen d’ici l’été 2017. Ensuite la Commission procédera au vote.