La foudre frappe toujours

Document : ABB

Document : ABB

Chaque année, on recense en France 2 millions de coups de foudre. Ces événements occasionnent 17 000 incendies, 50 000 compteurs électriques détériorés, 20 000 animaux foudroyés, 40 personnes tuées, entre autres dommages souvent très sévères. Au cours des siècles, de très nombreux édifices patrimoniaux furent frappés, parfois avec des conséquences irrémédiables. La flèche de la cathédrale Saint-Pierre-Saint-Paul de Troyes fut atteinte par la foudre en 1389, puis en 1700 pour la seconde fois, au point qu’on décida de ne plus la reconstruire. A Amiens, en 1218, la foudre enflamme les charpentes….Les témoignages d’’époque sont souvent saisissants de vérité, comme cette description retrouvée dans les registres paroissiaux de Saint-Clément -des-Montagnes, dans l’’Allier : «Le douziesme jour du moy de juin 1651, sur les trois heures du soir, le fouldre tomba sur une cloche il fyt grand débrit, et de là descendit dans l’’église par-dessus l’’autel de Saint-Roch où il passa dans la chapelle et il traça dans la muraille l’’apparence d’un chapelet et de là monta vers le grand autel où il eschancra un pan de la muraille et de là descendit dans le choeur du costé de la corde de la grande cloche où fust frappé et tué Tinnet Maridet agé de quatorze ans…”» Aujourd’’hui, heureusement, des techniques modernes et sophistiquées sont mises en place afin d’éviter de telles catastrophes.

De la colère divine au phénomène naturel

10846669Dans les temps anciens, la foudre est considérée comme un phénomène mystérieux dont l’’origine et le déclenchement sont surnaturels. Les divinités en sont les responsables et les maîtres : Zeus en Grèce, Jupiter à Rome, Seth en Egypte, Lei Tsu en Chine, Tlaloc pour les Aztèques, Thor pour les Germains et les Scandinaves….La foudre est le signal de la colère divine, ou de batailles gigantesques se déroulant dans les cieux. L’’orage, le ciel qui s’’assombrit brusquement, le grondement du tonnerre, sont autant de signes qui perturbent l’’ordre du monde. L’’Evangile selon saint Luc dit, au moment de la crucifixion de Jésus (XXIII, 44) : “Il était déjà environ la sixième heure, et il y eut des ténèbres sur toute la terre, jusqu’à la neuvième heure”. Bien des siècles plus tard, la valeur magique de la foudre et de l’’orage s’étiola progressivement au profit d’’explications plus rationnelles : Descartes, puis l’’abbé Nollet proposèrent des hypothèses, malgré tout peu satisfaisantes. Il fallut attendre le XVIIIe siècle pour que Benjamin Franklin démontre que les éclairs sont bel et bien de nature électrique. Même à cette époque de grande curiosité scientifique, l’’affaire n’’allait pas de soi : la puissante et respectée Royal Society de Londres, fondée en 1660, qui rassemblait les chercheurs officiels, considérait la théorie de Franklin comme parfaitement ridicule. En 1750, celui-ci publia le protocole d’une expérience au cours de laquelle il fallait faire voler un cerf-volant muni d’’une clef en métal par temps d’’orage. Bien qu’elle fut extrêmement dangereuse (et d’’ailleurs coûta la vie à l’’expérimentateur Georg Wilhelm Richmann), elle suscita un grand intérêt en Europe. De nombreuses tentatives furent malgré tout réalisées dans différents pays, ces travaux aboutissant finalement non seulement à la démonstration de la nature électrique de la foudre, mais également à l’invention du paratonnerre pour protéger les bâtiments. Benjamin Franklin écrit : “Mettons debout des barres de fer pointues comme des aiguilles et dorées pour prévenir la rouille, et du pied de ces barres part un fil vers l’extérieur du bâtiment jusqu’’à la terre. Ces barres pointues n’’attireraient-elles pas silencieusement le feu électrique depuis un nuage avant qu’’il soit à un niveau suffisamment élevé pour frapper, et en conséquence pourraient nous protéger de ce soudain et terrible méfait ?” On ne riait plus de lui. Et la Royal Society de Londres l’’accueilli comme l’’un de ses membres éminents en 1756, après lui avoir remis une médaille pour honorer la pertinence de ses idées !

Paratonnerre et parafoudre10846688

Le paratonnerre et le parafoudre sont les deux matériels essentiels pour la protection, mais leurs fonctions sont différentes : le paratonnerre a pour objet de protéger une structure contre les coups de foudre directs, et le parafoudre protège les installations électriques et les communications contre les surtensions en général. En effet, la foudre se manifeste par un coup direct et un coup indirect. Quand le coup est direct, la foudre frappe franchement l’’édifice et la puissance est telle que les structures architecturales, même celles dont la solidité parait à toute épreuve, peuvent s’’écrouler. L’’incendie se déclare souvent. Quand le coup est indirect, la foudre frappe dans l’’environnement immédiat de l’’édifice mais le courant se propage et crée dans l’’édifice des surtensions (conduction dans les câbles actifs et les conducteurs de terre et de masse, ou couplage inductif ou capacitif sur les réseaux). Ces surtensions peuvent être ressenties assez loin du point d’’impact : de 1 km (effets sur l’’induction) jusqu’à 10 km (effets sur la conduction). C’est pourquoi la protection d’’un bâtiment patrimonial doit, dès la conception, être envisagée de façon globale. La conception de l’’installation d’’un paratonnerre doit être conforme aux normes françaises NF C 17-102 de juillet 1995 ou NF C 17-100 de décembre 1997. Lorsque le bâtiment est un ERP, l’’installation doit être vérifiée chaque année selon l’’arrêté ministériel du 19 novembre 2001. Notons qu’’au cours d’’un orage, le champ électrique ambiant atteint des valeurs élevées. Il apparait alors une intensification du champ électrique sur une structure architecturale, non seulement sur son système de protection contre la foudre, mais aussi sur toutes les aspérités comme les coins, ou les bords. Cette intensification peut causer l’amorçage d’’un traceur ascendant, et donc éventuellement d’’un foudroiement. Le danger est d’’autant plus grand que l’’édifice est élevé (le pôle Foudre Soulé-Hélita a créé avec le CNRS un logiciel de calcul permettant d’’identifier les points vulnérables d’’une structure à partir du calcul du champ électrique sur sa surface).

Quelles spécificités pour le bâti ancien ?

10846707Il n’’y a pas de différences fondamentales entre le fait de protéger un bâtiment moderne et une tour de château ou une flèche d’église. Les techniques sont les mêmes, mais dans le cas du bâti ancien, il est essentiel de prendre en compte l’’intégration des matériels dans le site. Il est en effet indispensable que les installations se fondent le plus possible dans l’’existant, pour d’’évidentes raisons esthétiques. C’’est pourquoi les paratonnerres, en inox afin de résister à la foudre, peuvent être recouverts d’’une finition cuivre qui peut ne pas être vernie, pour s’’adapter plus aisément à l’’environnement patrimonial. il est aussi souvent nécessaire de réaliser des pièces spéciales de fixation. Ces pièces spéciales sont fréquemment conçues, réalisées et posées directement sur le chantier par les entreprises spécialisées. A partir d’’une seule installation, il est possible de protéger plusieurs bâtiments voisins, mais tout dépend de la hauteur et de la configuration du site, et de toute façon rarement au-delà d’’un rayon de 100 mètres, et encore sous certaines conditions techniques particulières. Une étude préliminaire détaillée permettant de vérifier l’’ampleur du rayon du paratonnerre est vraiment nécessaire. Dans tous les cas, la mise en œoeuvre d’’une protection complète contre la foudre ne doit pas être faite à la légère : elle doit toujours être confiée à une équipe de professionnels compétents, à même de prendre en compte les différents paramètres de l’’édifice ou de la maison et des spécificités des alentours pour proposer la solution individuellement adaptée.