Lorsque Raphaël a commencé à construire cette maison en 2000, le projet pouvait sembler fantaisiste. Huit ans plus tard, l’architecture bioclimatique fait florès et apparaît comme une solution d’avenir. Vision prémonitoire? «Non! Simple logique!», vous répondra notre aventurier. Car, en matière d’environnement, il possède une longueur d’avance. En mer, Raphaël s’est rapidement aperçu des changements climatiques. À son échelle, il a donc voulu agir. En réfléchissant minutieusement à la conception et à l’orientation de sa maison, il a réussi à réduire considérablement sa consommation d’énergie.
L’originalité de ce projet est basée sur l’optimisation du chauffage solaire passif. Pour cela, toutes les pièces de vie sont orientées au sud avec de grandes baies vitrées. Avant de construire la maison, des mesures d’angles très précises de la course du soleil ont été effectuées sur le terrain, au moment des équinoxes de printemps et d’automne, avec un sextant et un compas de relèvement. «À cette époque de l’année, la durée de la nuit est égale à celle du jour. Cela permet de prévoir les dimensions optimales des débords de toiture, indique Raphaël. Les architectes peuvent désormais accomplir très facilement ce travail à l’aide de logiciels.»
Gérer les apports solaires
L’avancée de toiture devant la pièce centrale est dimensionnée de manière à ce que les rayons du soleil soient stoppés à quelques centimètres des grandes baies vitrées pendant l’été. Il n’y a ainsi aucun phénomène de surchauffe. L’hiver, l’avancée de toiture ne gêne plus puisque le soleil est moins haut; celui-ci vient donc frapper les baies vitrées et apporte l’énergie calorifique nécessaire à la maison.
Toujours dans cette optique, l’aile droite est équipée d’une pergola avec des pannes très espacées. L’été, une toile maillée, disposée en ondulation entre les pannes, stoppe les rayons du soleil et la chaleur, tout en laissant passer la lumière. L’hiver, la toile est enlevée. L’espacement suffisant entre les pannes permet de ne pas gêner les rayons qui jouent pleinement leur rôle de chauffage passif.
L’avancée de toiture de l’aile gauche est, de son côté, équipée de tuiles de verre. «C’est un produit qui a beaucoup évolué. Les tuiles de verre d’aujourd’hui ne font pas effet de loupe, et leur durée de vie est plus longue que celle d’une tuile classique», estime Raphaël Dinelli. Ces tuiles de verre sont disposées en damier avec les tuiles ordinaires; elles laissent ainsi passer la lumière, et il y a assez de surface masquée pour éviter la surchauffe en été. L’hiver, toujours sur le même principe, les rayons passent sous la ferme de la charpente, réchauffant la maison. «D’un point de vue esthétique, cette disposition procure aussi un effet visuel très plaisant, assure le propriétaire des lieux. Ce concept d’auvent permet de s’abriter des intempéries et de profiter de ces énergies naturelles.» Un poêle de masse à ventilation forcée, situé dans la pièce de vie principale, sert de chauffage d’appoint. La chaudière fioul n’est utilisée que pour les chambres, en période de grand froid.
Une étude complète de l’environnement a été réalisée avant l’acquisition du terrain. Un géobiologue est même intervenu pour déterminer la présence de radon, de champs électromagnétiques terrestres ou de sources aquifères. «Chaque nouvelle maison devrait être conçue selon son environnement local. L’orientation du terrain, la présence d’arbres ou de lignes à haute tension, les vents dominants ou encore les phénomènes telluriques ont une influence sur le bâtiment et ses occupants», affirme Raphaël. 
Une maison saine
La maison a été construite selon la technique dite des « poteaux-poutres », version moderne de la construction à colombage. Le principe consiste à ériger le squelette de la maison avec des poteaux et des poutres en bois. Les espaces vides peuvent ensuite être remplis avec divers matériaux, ici de la brique alvéolaire de 20 mm et du double vitrage. La structure porteuse en lamellé-collé utilise une colle particulière, émettant peu de composés organiques volatils (COV). Tous les bois de construction (sapin du Nord pour la charpente, pin douglas pour le bardage extérieur, sapin rouge pour le parquet des chambres, pin maritime pour le parement intérieur…) sont certifiés issus de forêts de plantation gérées durablement.
«L’origine des bois en provenance d’Afrique (ndlr : doussier pour le parquet de la pièce de vie et la terrasse) est toutefois difficilement vérifiable. Je les éviterais si c’était à refaire», remarque le navigateur. Le traitement fongique a été réalisé avec des peintures biologiques en phase aqueuse contenant des pigments naturels. Le soubassement des murs de fondation a été exécuté avec des parpaings incorporant des billes d’argile expansées sur 60 cm de hauteur, ceci afin de parer à toute remontée d’humidité par capillarité. Le remblai utilisé est du sable de carrière.
Pour écarter les champs électro-
magnétiques, dont les conséquences sur la santé sont encore indéterminées, aucun passage de tuyauterie ou de câble électrique n’a été effectué dans les zones de repos. Toutes les tuyauteries et parties métalliques de la maison sont reliées à la terre. Les gaines et tuyaux de ventilation sont en polypropylène, un plastique réputé sans émanations toxiques et facilement recyclable.
Projets d’avenir
Lors de la construction de sa maison, Raphaël Dinelli a prévu l’installation ultérieure d’un puits canadien. L’architecture des toitures permet aussi d’implanter des panneaux solaires ou une éolienne à axe vertical. Ceci, tout en respectant l’esthétique du bâtiment. «Lorsque nous avons construit la maison, ces équipements n’étaient pas subventionnés, mais nous avons gardé la possibilité de les installer plus tard, explique-t-il. Je pense qu’il est encore possible d’améliorer leur durée de vie et leurs coûts de fabrication. C’est justement l’objet de la fondation Océan Vital. Mais les constructeurs français susceptibles de s’investir dans cette voie sont encore peu nombreux.» Voilà un projet qui pourrait peut-être leur permettre de rattraper le retard sur nos voisins germaniques.
Isolation renforcée
Pour réduire les déperditions de chaleur et limiter la consommation d’énergie, le maître d’ouvrage a misé sur une très bonne isolation. Les murs de la maison (en poteaux-poutres
et briques alvéolaires) sont recouverts de 80 mm de laine de roche compressée et d’un pare-vapeur sur le côté extérieur. Ils sont habillés d’un bardage bois à l’extérieur comme à l’intérieur; celui-ci renferme une lame d’air (30 mm à l’intérieur, 20 mm à l’extérieur) qui renforce l’isolation et permet le passage des tuyauteries et gaines d’électricité, sans toucher à la brique. L’isolation en toiture a été réalisée avec 30 cm de laine de chanvre en rouleaux. Le double vitrage avec gaz argon garantit une bonne isolation des baies vitrées.
La consommation de bois est de 5 à 6 stères par an. La consommation moyenne de fioul s’élève à 200 l/an, soit 8 kWh/m2/an. La consommation d’énergie globale (chauffage bois et fioul, eau chaude sanitaire, électricité) est de 66 kWh/m2/an. Pour rappel, dans cette région de la France, la Réglementation thermique 2005 fixe une consommation maximale de
110 kWh/m2/an d’énergie fossile pour le chauffage seul. La norme allemande pour les maisons passives est de 15 kWh/m2/an pour le chauffage, et de 50 kWh/m2/an pour l’énergie globale.
Océan Vital fait de la recherche appliquée
L’objectif de la fondation Océan Vital est de tester, sur un bateau laboratoire et dans des conditions extrêmes, des concepts de production d’énergie électrique à partir des énergies renouvelables. Raphaël Dinelli prendra le départ du Vendée Globe 2008 à bord de ce voilier. Le programme de recherche sur les cellules photovoltaïques participera à l’amélioration de l’encapsulage de ces cellules pour un meilleur rendement et une plus longue durée de vie. Le programme éolien permettra également de tester un modèle à axe vertical dont les performances pourraient s’avérer supérieures à celles des aérogénérateurs à pales. La fondation a aussi pour rôle de sensibiliser le public à la protection de l’environnement.
Pour en savoir plus :
www.fondationoceanvital.com
Voir aussi futur-e-maison.com n° 10.