Cadre normatif : la discussion continue

Les professionnels de la terrasse bois disposent désormais d’outils normatifs : le DTU 51.4 « Platelages extérieurs en bois » et la norme NF B54‑040 « Lames de platelages en bois », publiés fin 2010. Cependant, une des règles énoncées modifie les coefficients d’élancement (le rapport entre l’épaisseur et la largeur de la lame) de chaque essence, et ce changement suscite aujourd’hui le mécontentement des professionnels de la terrasse.

Photo : Terrasse Nature

À titre d’exemple, l’ipé du Brésil. Son coefficient d’élancement était auparavant fixé à 7 et est désormais de 6. Mais les lames de ce bois sont généralement vendues dans un format de 140 ou 145 mm de large pour 21 mm d’épaisseur, et cette dimension n’est plus conforme au DTU ! « Nous avons lancé une révision de la norme pour redéfinir des coefficients pour chaque essence », explique ­Olivier ­Kaufman, président de l’Association Terrasse Bois et dirigeant de la société Terrasse Nature.

Cadre normatif : la discussion continue
La norme aurait-elle été élaborée trop rapidement ? « Non, assure ­Serge Le ­Nevé de l’Institut technologique FCBA qui a présidé la commission de normalisation du DTU 51.4. L’élaboration de cette norme s’est faite en toute sérénité, avec pour objectif prioritaire d’établir des prescriptions collectives qui ne génèrent pas de pathologies. Les référentiels normatifs sont faits pour évoluer dans le temps, et ces évolutions ont toujours pour but de tendre vers la vérité technique et l’optimisation des prescriptions qui correspondent. Il est possible que cette première version de la norme NF B54‑040 soit, sous certains points, sécuritaire, mais cela reste à démontrer objectivement. En tous les cas, il existe plusieurs avis sur la question. Si ces nouvelles règles d’élancement se sont révélées non satisfaisantes pour les acteurs qui commercialisent actuellement certains standards, ce n’est pas l’avis de toutes les entreprises de pose de platelages.
La commission ayant rédigé cette norme a repris ces travaux depuis début 2012 afin, notamment, de traiter ce point. La fin de la révision lancée pourra dépendre d’investigations sur ouvrages anciens, le retour d’expérience sur ouvrages réels étant une source d’enseignement précieuse. »
La troisième édition du Guide de conception et de réalisation des terrasses en bois, publiée début 2012 par FCBA et l’ATB mentionne l’existence de cette révision. Le guide ne s’écarte pas du DTU sur le plan technique, mais il est illustré et plus « accessible ». En revanche, « il est exclusivement orienté vers le domaine privatif, alors que le DTU aborde le privatif, mais aussi l’usage public, précise ­Serge Le ­Nevé. Et le champ d’application du guide diffère quelque peu de celui du DTU. Par exemple, le premier aborde la terrasse complète (fondation, porteur primaire, etc.) ; le DTU, lui, ne parle pas du solivage, qui est couvert par le DTU 31.1 “Charpentes et escaliers bois”. Le guide explique aussi comment dimensionner les solivages, pas le DTU. »

Les fixations invisibles en question

« Le DTU ne traite pas non plus les fixations invisibles de plus en plus utilisées pour la conception des terrasses en bois, déplore ­Olivier ­Kaufman. Alors que peut-être environ 30 à 40 % des terrasses sont réalisées avec ces systèmes de clips. » En effet, le DTU couvre uniquement la fixation des lames par vissage, apparent ou par le dessous. Le guide aborde cette question et prévient que « tout système de fixation spécifique non traversant des lames de platelage doit faire l’objet, de la part du fabricant, d’une évaluation globale aboutissant à la détermination d’un cahier des charges de conception et de pose très précis ».

Non abordés dans le nouveau DTU, les systèmes de fixation doivent faire l’objet d’une évaluation globale permettant d’élaborer un cahier des charges de conception et de pose. Photo : Hardwood Clip/ATB

« Il faudrait pourtant que le DTU aborde ce point », affirment de concert le président d’ATB et ­Éric ­Boilley, directeur du Commerce du Bois. ­Serge Le ­Nevé expose les raisons de cette absence : « La fixation invisible n’a pas été traitée car il était prématuré de définir des règles génériques pour des éléments qui ont tous un mode de fonctionnement détaillé distinct. Aujourd’hui, nous procédons à des qualifications individuelles pour les marques commerciales qui le souhaitent, sous la forme de Dossiers techniques FCBA, qui pourraient également être complétés si nécessaire, par Avis techniques ».

 

Vers une certification pour le bois composite

Autres éléments fondamentaux encore non traités dans le DTU, mais évoqués dans le Guide 2012, les lames de platelages en bois/polymère et les dalles en bois préfabriquées posées sur plots. « Pour l’instant, ce ne sont pas des produits traditionnels, précise ­Serge Le ­Nevé. Là encore, il y a une grosse disparité de caractéristiques techniques entre les différents produits présents sur le marché. Une première démarche vers la traditionnalité est en cours de réalisation par le biais de travaux sur une norme européenne spécifique. Une certification de produit (CTB WPC) dirigée par FCBA est en cours de lancement, ce qui contribuera à la fiabilisation de la qualité de ce type de produit sur le marché. Après un retour d’expérience suffisant, et si celui-ci est globalement positif, il sera possible de prévoir des prescriptions de pose génériques dans un DTU ou dans un chapitre du DTU 51.4. » Le DTU n’aborde en effet à ce jour que les lames en bois massif et en bois recomposés. Au sein de l’ATB, un groupe de travail, dirigé par ­Philippe Crez, codirecteur de Silvadec, le fabricant français de bois composite, a été mis en place et planche aussi sur la certification. « Normalement, elle devrait sortir en juin ou en juillet 2012, ajoute ­Philippe Crez. Cela permettra également d’éclairer le consommateur sur ce produit, car il en existe beaucoup, et les qualités sont inégales. »

Lames de terrasses en bois

Ces dernières années, les professionnels de la terrasse ont en effet constaté un engouement pour le bois composite, un produit à base de fibres de bois et de matériaux plastiques, souvent moins cher que du bois massif. Selon ­Olivier ­Kaufman, « 40 % des terrasses installées en France seraient en bois composite ».

 

Des formations pour maîtriser un savoir-faire

Afin de remédier à la pénurie de main-­d’œuvre dans le secteur de la terrasse en bois, les professionnels se mobilisent pour que cette activité figure dans le programme des formations de l’Éducation nationale qui n’a pas de spécialisation terrasse dans ses diplômes. « L’objectif d’ATB est de faire admettre une spécificité terrasse. L’association a mis en place un groupe de travail qui planche actuellement sur la réalisation d’un référentiel métier se rapportant à ces diplômes », explique ­Éric ­Boilley. Les professionnels d’ATB aimeraient que cette consultation soit achevée cette année afin de se rapprocher au plus vite des organisations professionnelles représentatives du bâtiment (Capeb, FFB) et de l’Éducation nationale.
Par ailleurs, FCBA organise depuis 2008 une formation « Conception et mise en œuvre des terrasses bois », répartie en deux modules : « découverte » ou « perfectionnement ». Destinée à un public qui souhaite mieux connaître l’univers de la terrasse en bois ou entrer dans les détails de sa réalisation (commerciaux, maîtres d’œuvre, poseurs, etc.), cette formation de un ou deux jours a été repensée pour être conforme au DTU 51.4. « Elle sera par ailleurs légèrement modifiée avant la fin juin, de manière à la rendre plus attrayante et interactive, et plus adaptée à chaque public », informe ­Christiane ­Deval, ingénieur construction revêtements et finitions à FCBA, qui supervise aussi la formation.

 

Flambée des prix des bois exotiques

Malgré tout, le bois est majoritaire sur le marché. « Les prix des bois exotiques ont augmenté, témoigne Olivier Kaufman.

Piscine terrasse bois

En particulier l’ipé qui a connu une hausse de 40 % depuis deux ans, car la demande pour cette essence aux qualités reconnues est forte, mais l’ipé se raréfie. » ­Wilfried ­Andres, dirigeant de la société Architecture du Bois, spécialiste de la terrasse en bois (réseau de quarante franchises) qui vient de créer la marque GRAD pour ses terrasses, affirme même que « lors d’une réunion sur les terrasses en bois qui s’est déroulée en décembre dernier dans les locaux de FCBA à Paris, réunissant quelques professionnels du bois, plusieurs personnes ont déclaré que l’ipé ne serait plus disponible à l’horizon 2014 ». Présents à ce rendez­vous, Éric ­Boilley de LCB et ­Michel ­Vernay, ingénieur et chercheur au Cirad chargé de l’utilisation du bois dans la construction et spécialiste des bois exotiques, démentent formellement cette information. « Près d’une douzaine d’espèces du genre Tabebuia correspondent à l’appellation commerciale d’ipé, dit Éric ­Boilley. Et l’ipé n’est pas menacé de disparition ! » « J’étais le mois dernier chez des importateurs belges d’envergure, poursuit ­Michel ­Vernay, et ils pensent aussi qu’il y aura toujours de l’ipé, et des gens prêts à payer n’importe quel prix pour cette essence. C’est la Rolls ! En revanche, ce qui est difficile à trouver, c’est de l’ipé provenant de forêts aménagées et gérées durablement avec une certification FSC. »
Face à cette flambée des prix, d’autres essences moins onéreuses occupent désormais une place plus importante sur le marché. « Comme le cumaru, le maçaranduba ou encore le bangkirai », précise ­Olivier ­Kaufman.

 

Les clefs pour une terrasse de qualité

Photo : Terrasse nature

Pour concevoir une terrasse en bois de qualité, ­Olivier ­Kaufman, de Terrasse Nature, livre quelques points majeurs à prendre en compte. « Deux notions essentielles sont à considérer : la durabilité et la stabilité du bois. La première démarche est de choisir un bois de qualité classe 4 qui soit durable et stable et surtout bien séché, c’est-­à‑dire avec un taux de siccité des lames au moment de la pose devant être inférieur à 18 %. La conception de la structure doit aussi être bien étudiée. Une structure robuste et bien conçue est la clef d’une terrasse durable. Et il faut naturellement que la structure soit adaptée au sol. Il convient aussi d’être exigeant avec les bois des structures et de privilégier les bois de classe 4, voire d’opter pour une essence similaire à l’essence de la lame. »
Ces notions fondamentales sont abordées dans la campagne de communication « Résolument Terrasse » lancée en avril 2012 par France Bois Forêt et relayée dans le réseau Expert Relais Bois de négociants spécialisés de LCB.

 

Des substituts durables aux bois tropicaux

Aussi, d’autres essences traitées chimiquement ou thermiquement prennent-­elles des parts de marché. Parmi les produits récemment introduits sur ce segment : le Kebony et l’Accoya. « Nous cherchions depuis des années une alternative à l’ipé du Brésil que nous avons cessé de commercialiser », avoue ­Wilfried ­Andres. L’entreprise, qui propose notamment du frêne et du pin chauffés et du bois composite, vient d’ajouter une nouveauté à sa gamme, le pin radiata Kebony. « J’ai trouvé le Kebony en Norvège en octobre dernier, poursuit-il. Lorsque je l’ai présenté à Batimat, certains professionnels l’ont même confondu avec de l’ipé, sa couleur étant très proche. Son prix en revanche est environ 10 % inférieur à celui de l’ipé. Avec le procédé breveté Kebony, le bois est imprégné dans un mélange à base d’alcool furfurylique qui agit à l’intérieur même des fibres du bois. Ensuite, le bois est chauffé afin d’y polymériser le liquide. Le procédé durcit et stabilise le bois de manière permanente, ce qui le rend plus résistant à long terme. » La société Architecture du Bois précise notamment que « son cycle de vie est plus long que celui des autres bois, et que les produits Kebony sont tous certifiés PEFC et FSC. » « Avec des caractéristiques exceptionnelles de qualité et de durabilité, et une garantie de vingt-cinq ans », souligne le dirigeant de l’entreprise.

Pin radiata

Autre type de nouveau traitement, l’Accoya. Ce bois certifié FSC et traité par acétylation « est un des produits en bois les plus avancés du marché. Actuellement, il est fabriqué aux Pays-­Bas, avec un traitement non toxique. Le produit fini, Accoya, égale, voire dépasse, la solidité, la stabilité et la beauté des meilleurs bois durs tropicaux », annonce l’entreprise 3A, qui importe et exporte du bois depuis plus de trente ans et représente l’Accoya en France. « De plus, atteste ­Thierry ­Aubourg, directeur de 3A, il est garanti vingt-cinq ans à l’extérieur contre le pourrissement et les insectes quand il est utilisé au sol ou dans l’eau douce. Ce bois couleur miel ne bouge pas du tout ; il ne nécessite pas plus d’entretien qu’une autre essence et il est environ 10 % moins cher que l’ipé. Nous avons commencé à livrer ce bois en novembre dernier. Les commandes ont dépassé nos espérances, et nous sommes très optimistes pour la suite. »
Il est évidemment impossible d’assurer que ces bois inonderont demain le marché des lames… Mais les tarifs de l’ipé, notamment, tutoient aujourd’hui des sommets, et sa certification fait défaut. Cela explique en partie pourquoi les professionnels de la terrasse se tournent vers des produits alternatifs…

 

Préservation et entretien

Les industriels continuent d’élaborer de nouveaux traitements de préservation et des produits de protection toujours plus performants, solvantés ou en phase aqueuse, tout en développant de nombreuses références dans le domaine de l’entretien, mais aussi des produits adaptés aux finitions souhaitées.
Un produit pour chaque essence ?
Parmi les nouveautés, citons le saturateur bois SBA conditions extrêmes de la gamme Heliotan de Dyrup, conçu pour la protection des bois exotiques durables et/ou traités autoclaves (classe 4), des résineux neufs, bruts ou anciens. « Avec une nouvelle formulation à base d’huiles naturelles non grasses en phase aqueuse », précise l’industriel. « Nous travaillons actuellement sur des produits naturels, des saturateurs entre autres, qui sortiront dans l’année », annonce ­Christine ­Trzaska, responsable marketing, industrie et bâtiment chez Dyrup.
L’an dernier, Plastor, spécialiste de produits pour parquet, lançait sa première gamme pour les terrasses, soit quatre produits (nettoyant, dégriseur, saturateur et huile) pour tous les types de bois. « La gamme est bien perçue par les artisans et les revendeurs de piscines, car nos produits sont résistants au chlore, témoigne ­Laurence ­Benoit, responsable produits de l’entreprise. Depuis peu, notre saturateur Pur‑T Deck en phase aqueuse, à base d’huile enrichie en anti‑UV et en pigments résistants aux agressions extérieures, bénéficie même de l’Écolabel. »
Selon ­Wilfried ­Andres, de la société Architecture du Bois, « il est faux de dire qu’un produit universel peut convenir à tous les bois ». En collaboration avec Sikkens, la société travaille sur la mise au point de saturateurs adaptés à chaque essence. « Car nous nous sommes rendu compte, poursuit-il, que les résultats différaient selon les essences, notamment avec les essences modifiées. »

Produit phase aqueuse

Quid de l’entretien du bois composite ?
« Contrairement à ce qu’ont déclaré certains fournisseurs de lames en bois composite ces dernières années, celui-ci n’est pas un support sans entretien », annonce ­Jacques ­Peronnet, directeur commercial de Durieu SA, fabricant et concepteur de produits de protection, d’entretien et de rénovation des bois depuis 1978. Après le lancement de Compo-­Clean pour nettoyer les bois composites, la nouveauté chez Durieu est le revitaliseur Compo-­Care en phase aqueuse pour les bois composites, « qui redonne de l’éclat à ceux qui deviennent ternes avec le temps. Car il existe différentes qualités de composite, conclut ­Jacques ­Peronnet. Dans le bas de gamme et le milieu de gamme, les teintes bougent, et je pense donc que les revitaliseurs vont se développer ». D’autres industriels surfent sur la même vague. Ainsi, en début d’année, Blanchon a mis sur le marché le Rénovateur Terrasses Composite. Et certains fabricants de lames de ce type proposent désormais des produits « maison ».