Le projet s’inscrit dans la réflexion globale d’aménagement de la ZAC Seguin-Rives de Seine coordonnée par l’architecte-­urbaniste ­Patrick ­Chavannes. Le macrolot B3, dessiné par ­Florence ­Lipsky et ­Pascal ­Rollet, a été divisé en trois parcelles. Deux d’entre elles sont réservées à un programme de logements et comportent chacune trois immeubles. La troisième parcelle, B3d, destinée à un programme à usage principal de bureaux, a pour particularité d’être constituée d’un seul immeuble. Baptisé Anthos, cet immeuble présente un linéaire de façade d’environ 53 mètres sur le cours Émile-­Zola et d’environ 28,5 m sur la rue Marcel-­Bontemps. Prenant ses marques dans un lieu chargé d’histoire, à savoir les anciens terrains des usines de la marque au losange, dont il est important pour les architectes de garder la mémoire, l’immeuble est à lui seul une anthologie architecturale où les façades évoquent subtilement ce passé.
Un passé immortalisé dans le béton
Si le cahier des charges du macrolot imposait un bâtiment pas trop coloré avec des matériaux bruts et naturels, le choix du béton brut des architectes Naud et Poux fut toutefois difficile à imposer face à une pierre réputée plus « corporate » dans un immeuble de bureaux. Malgré les réticences, c’est bel et bien un voile en béton qui délimite les deux entités du bâtiment : deux commerces et un restaurant d’entreprise, et qui structure également les trois éléments du socle du bâtiment et laisse à voir trois grandes « transparences » : le porche public, le hall et le pignon du bâtiment qui abrite la rampe de parking. Du béton certes, mais pas seulement, car une ancienne vue aérienne de l’usine Renault y est photogravée pour rappeler discrètement ce passé industriel qui, pour les Parisiens, est à jamais associé à ces terrains de bords de Seine. Mais aucun écriteau n’est là pour informer le visiteur, le but recherché par les architectes n’étant pas de créer un musée, mais avant tout d’éveiller la curiosité. Car au-­delà de la photographie historique gravée dans le mur, c’est avant tout un motif qui joue des vibrations de la lumière selon la position du soleil ou de l’éclairage intérieur. Le procédé de fabrication consiste, quant à lui, à transférer des informations graphiques par fraisage numérique sur un support en stratifié ou médium. La reproduction de l’image s’effectue par des effets de surface du plus fin au plus prononcé selon la définition de l’image choisie. Ce support va servir de base pour la fabrication d’un moule en élastomère qui sera posé en fond de coffrage. Une fois sec, le béton conservera l’empreinte de cette matrice structurée. Si, au début du chantier, il avait été envisagé de couler le béton en place, après mûre réflexion et pour que cela soit moins risqué, il lui a été finalement préféré de faire préfabriquer les voiles de béton photogravé.
Différentes formes d’aluminium
La surface allouée sur cette parcelle a contraint les architectes, dès les premières phases d’étude, à exploiter au maximum les volumes autorisés par la réglementation en vigueur. Le gabarit global du bâtiment induisait ainsi une volumétrie haute et courte, assez lourde et complexe. De plus, l’un des engagements de la maîtrise d’ouvrage pour ce bâtiment était le soin porté à la performance environnementale du projet et l’obtention d’un label HQE bâtiment tertiaire. Un soin tout particulier devait donc être apporté au traitement de l’enveloppe du bâtiment et de son système d’occultation. « En effet, le PLU autorisait les débords en façade pour peu qu’ils servent à une occultation solaire », confirme l’architecte Luc Poux. C’est ainsi qu’une peau extérieure faite d’une ceinture de cadres en fonderie d’aluminium s’est révélée rapidement comme un outil permettant de tendre la volumétrie globale du bâtiment tout en respectant le cahier des charges de la ZAC qui stipulait l’utilisation de matériaux bruts et naturels. Ces cadres en fonte d’aluminium mesurant chacun 3,50 m par 1,25 m et pesant environ 65 kg ont été fabriqués dans des moules en sable et n’ont pas subi de traitement hormis « le grenaillage » à la sortie de la fonderie. En raison de la nécessité d’alléger le poids de ces cadres en façade, ils ont été affinés le plus possible jusqu’à ne totaliser qu’un ensemble de 40 tonnes. Mais ce choix de la fonderie d’aluminium, tout comme le choix de la photogravure au rez-­de-­chaussée sur les voiles béton, est également un rappel direct à la mémoire du site, la parcelle étant positionnée sur l’ancienne emprise de la fonderie des usines Renault. Les façades est et ouest ont ainsi été traitées de manière identique où une protection solaire mobile extérieure a été décidée. Cette protection est déportée par des coursives, ce qui permet de supprimer les zones chaudes de l’été, mais pas seulement. Elles servent aussi d’accès pour l’entretien des vitrages (autonome à chaque étage, suppression d’utilisation de nacelle, ce qui réduit les charges de l’occupant) ainsi que pour la maintenance des occultations solaires en toile aluminisée sur les deux faces (stores screen). « Ces derniers sont reliés à la gestion technique du bâtiment (GTB) permettant une commande et une programmation centralisée par niveau et par façade de leur ouverture et fermeture. Cette programmation permet ainsi d’automatiser la fermeture des stores en façade en cas d’ensoleillement direct couplé avec un besoin de rafraîchissement de l’immeuble dans un souci de limitation des consommations énergétiques liées à la climatisation des bureaux. Les stores sont néanmoins “débrayables” individuellement par les usagers en fonction des conditions de confort souhaitées par chacun. Enfin, les stores sont reliés à une station météo détectant principalement les efforts au vent auxquels ils sont soumis. Au-­delà d’une certaine vitesse programmable de vent, les stores remontent automatiquement pour éviter leur arrachement. Le nombre de capteurs a été prévu en nombre et en répartition suffisants pour avoir une idée fine de l’exposition de chaque façade au vent. Le système de guidage des stores a été choisi par câble pour assurer une plus grande souplesse et résistance au vent de ces stores », détaille ­Guillaume ­Drege, chef de projet de l’opération. Livré en mars 2010 après un début des travaux en juin 2008, le bâtiment est depuis début juillet le nouveau siège international du géant de la distribution alimentaire Carrefour. Avec Anthos, ça positive !
Julie Niel-Villemin
Fiche d’identité
Maître d’ouvrage :
  • Investisseur Gecina – Promoteur Hines
  • Maître d’œuvre : Élizabeth Naud et Luc Poux, architectes ; Guillaume Drege, chef de projet
  • Maîtrise d’œuvre technique : Auris
  • Entreprise gros œuvre : Spie SCGPM
  • Béton photogravé :
  • Soceco Reckli – Béton FEHR
  • Cadres aluminium : Fonderie Trinquet
  • Shon : 10 050 m²
  • Coût total : NC