Lorsque je suis arrivée dans le Sud-Ouest de la France, il y a onze ans, voilà ce qui mattendait : une maison en vieilles pierres datant du 19e siècle, à restaurer, située au milieu dun champ et adossée au flanc ensoleillé dune colline, des arbres fruitiers fatigués, quelques vaches dans les herbes folles
Au bout de trois ans de travaux, la maison devint habitable et je pus enfin mintéresser au jardin. Déchecs avérés en réussites magistrales, je tirais les leçons de mes erreurs. Les plantes, elles-mêmes, me dictaient la marche à suivre. Jaccumulais simplement de lexpérience. Une plante, puis deux, puis cent, puis 600, pour arriver à près de 800 variétés! La passion était née.
Je me suis toujours sentie très proche de la nature et des animaux et mon métier dartiste animalier na fait que renforcer cette sensation. Plus je «cohabitais» avec mon
jardin, plus je le voyais se transformer et évoluer, et plus je me disais quil avait atteint un certain équilibre. Il fallait simplement le laisser «vivre» de manière naturelle, sans produit chimique. Je suis convaincue quau jardin, la faune a autant dimportance que la flore parce quun jardin en bonne santé est un jardin où il y a de la biodiversité.
Savoir observer pour éviter les erreurs
Lorsque jai commencé à aménager mon jardin, je ny connaissais pas grand-chose. Jai planté quelques arbustes. Au bout de deux ans, ils navaient pas pris un centimètre. Ils ne sépanouissaient pas, fleurissaient très peu. Je me suis demandé pourquoi. Jai consulté des revues spécialisées et je me suis aperçue que je navais simplement pas tenu compte dune chose : la nature de mon sol. Il était très calcaire et bien évidemment, les premières plantes que jy avais installées étaient des plantes calcifuges, qui naiment pas les terrains calcaires.
Jai alors observé les plantes sauvages; les coquelicots, sauges des prés, marguerites, mauves
étaient prospères. Lidée mest venue de les incorporer aux massifs dessinés ça et là. Ils formeraient, avec des arbustes eux aussi sauvages tels que les sureaux, les églantiers, les épines noires, le squelette du jardin. Jen ai tenu compte pour faire mon choix sur les variétés futures à acquérir. Les pavots dorient, de nombreuses variétés de sauges, des échinops retro, des hélianthèmes et des lavatères
vinrent ainsi compléter le tableau.
Il me fallait des plantes faciles, résistantes à la chaleur et à la sécheresse, ne demandant pas darrosage et peu dentretien, et offrant de belles couleurs. Les hémérocalles par exemple possédaient toutes ces qualités. Je me suis tournée aussi vers les plantes méditerranéennes : le romarin, les lavandes, les thyms, les cistes. Elles avaient un atout majeur : leurs senteurs.
Interaction de la faune et de la flore
Plus le jardin prenait de lampleur, plus la petite faune devenait abondante. Javais aménagé des endroits privilégiés à leur attention (tas de bois, murets de pierres sèches, points deau
) et gardé les lierres qui couraient à lassaut des grands arbres, les haies libres qui leur assuraient protection et abris. Javais aussi installé des plantes
mellifères très parfumées : népétas, santolines, menthes, oranger du Mexique
Je leur avais laissé des petits coins
sauvages.
Certaines espèces de papillons ont en effet besoin de plantes particulières pour pouvoir y déposer leurs ufs et nourrir leurs chenilles (orties, plantain, fenouil
). De plus, les orties me servent pour faire du purin : un excellent engrais naturel pour le potager. La grande diversité dinsectes apporte une nourriture abondante aux oiseaux insectivores. Et les oiseaux granivores se régalent des graines de plantes tels que le tournesol, le blé, lavoine, la cardère à foulon, un beau chardon sauvage ou encore lonagre qui fait de magnifiques fleurs jaunes.
Depuis de nombreuses années maintenant, des bains doiseaux, des mangeoires en tout genre les aidant à passer lhiver, des nichoirs tenant compte des besoins des différentes
espèces décorent le jardin. Ils allient lutile à lagréable. En leur offrant le gîte et le couvert,
je me suis assurée davoir des oiseaux, insectes, papillons, crapauds, lézards, hérissons et même des serpents à demeure. Ce peuple du jardin le gratifie dune vitalité extraordinaire.
Gestion de leau au jardin
Mon jardin est très sec six mois par an. Les premières années, jarrosais aussi bien mon jardin dagrément que mon jardin potager. Cela me demandait des heures de travail et navait pas vraiment le résultat escompté. Il a fallu que je comprenne pourquoi les plantes souffraient quand même. En fait, je ne faisais rien comme il fallait : mauvaise manière de planter, darroser, déviter lévaporation, dutiliser leau du puits.
Désormais, je réalise mes plantations majoritairement à lautomne. Les jeunes plants peuvent ainsi encore profiter de la chaleur de la terre et de lhumidité automnale. Je verse au fond du trou un arrosoir deau. Les racines vont ainsi chercher leau en profondeur. Je lutte contre lévaporation en étendant une bonne couche de compost sur mes massifs. Non seulement cela permet de maintenir lhumidité, mais ça nourrit les plantes et permet à la faune du sol de prospérer. Les mauvaises herbes se développent moins rapidement et leur arrachage à la main en est facilité.
À part le potager, je narrose plus du tout. Les légumes sont arrosés abondamment le soir pour quils puissent profiter de la «fraîcheur» de la nuit. Des bacs deau de 500 litres, alimentés par leau de pluie du puits, servent de réserve. Je récupère aussi précieusement leau de lavage des fruits et légumes pour mes potées fleuries. En procédant de cette manière, lété venu, les plantes sont capables de résister à la sécheresse.
Le potager, garant de votre santé
Il est tout à fait possible davoir de beaux fruits et légumes au potager sans avoir à utiliser de produits chimiques. Pouvoir les produire sans recourir aux pesticides est une grande chance. Lorsque je plante mes tomates par exemple, je mets toujours une bonne poignée dorties au fond du trou et jutilise du purin dorties dans leau darrosage (un volume pour dix volumes deau). Cest aussi efficace que nimporte quel engrais chimique.
Pour lutter contre les limaces et les escargots qui dévorent à belles dents les salades, je mets un cercle de sable ou de cendre autour des plantes (celle des végétaux que jai fait brûler ou celle de linsert). En cas de pluie, je dépose des planchettes de bois sur le sol car tous les matins, les gastéropodes y seront cachés; il est alors facile de sen débarrasser.
Certaines associations de
légumes ou de plantes aroma-tiques permettent de lutter effi-cacement contre les ravageurs car certaines odeurs les éloignent. Plus besoin de traiter.
Je nourris mes légumes avec du compost fait maison (tonte dherbe, déchets de végétaux, coquilles dufs, épluchures
). La boucle est bouclée. Je laisse le soin aux oiseaux de débarrasser mes arbres fruitiers de leurs parasites. Une mésange peut manger jusquà 900 chenilles et insectes par jour! Je laisse les branches mortes sur les vieux arbres en fin de vie car elles leur offrent des endroits pour faire leur nid. Une raison de plus pour les retenir au jardin.