La maison fut construite au début des années 60, en plein centre de Colombo, dans un quartier élégant où beaucoup de grands parcs entourent de belles maisons coloniales « début de siècle ». Le terrain acheté par Osmund et Ena semble à lépoque ridiculement petit (à peine 700 m²), mais il a lavantage de se trouver proche du bord de mer, ce qui est appréciable dans une ville où la température moyenne est de 28 °C et lhumidité de 80 %.
Histoire dune rencontre
Lidée de Ena est de construire un bâtiment moderne, et surtout pas une maison conventionnelle classique de style colonial. Une telle maison sur un si petit terrain aurait trop exposé ses propriétaires au regard de la rue et elle aurait été difficile à ventiler naturellement. De toute façon, Ena est bien décidée à adapter les idées des architectes en vogue à lépoque, en loccurrence Le Corbusier et Mies Van Der Rohe, qui font entrer la lumière dans leurs constructions en aménageant de grandes baies vitrées.
Geoffrey Bawa qui circule dans Colombo au volant de sa Rolls Royce, une écharpe blanche flottant au vent, inspire de la méfiance à Ena. Pourtant, lorsquelle le rencontre, elle est absolument convaincue quil est larchitecte de la situation. Une amitié se noue et mieux encore, Ena devient une collaboratrice précieuse de Geoffrey qui aime sentourer dartistes pour donner vie et charme aux maisons et aux hôtels quil construit.
Autour dun jardin
Ena a des idées précises pour sa maison ; elle désire un bureau pour son mari, un atelier pour elle-même et une aile dédiée aux visiteurs. Elle aime les tuiles, les murs de briques, ne veut pas dair conditionné, ni de vitres. Larchitecte trouve instantanément la solution pour garder une intimité à la maison : un mur denceinte entoure les bâtiments où se trouvent le salon et les chambres dun côté, le bureau et latelier de lautre. Le cur de la bâtisse est un large jardin intérieur, entouré dune véranda soutenue par des colonnes de « satinwood » posées sur des socles de granit, comme dans un monastère
Derrière la façade, côté rue, se cachent les espaces réservés au public : le bureau et latelier avec un arbre, laissé où il se trouvait, le garage et lentrée donnant directement sur le couloir véranda au toit de tuiles, pratique lorsquil pleut. Celui-ci est ouvert sur le jardin, alors que, sur la droite, le mur longe les espaces dédiés au service et à la cuisine, ponctués eux aussi de deux tout petits patios.
Dès lentrée, le regard pénètre lespace de la salle à manger ouverte et, immédiatement après, le grand salon, sans
portes ni fenêtres, qui ne comporte que deux murs sans pourtant quaucun regard extérieur ny accède. Le fond du salon est une bande de jardin assez étroite qui laisse circuler une douce brise ; il est fermé par le mur denceinte de la maison, donnant ainsi une profondeur à la pièce tout en laissant entrer la lumière. À létage, deux chambres et deux salles de bain sont dotées de claustras qui laissent circuler lair tout en préservant une grande intimité.
Une architecture toujours actuelle
La sensualité des maisons de Geoffrey Bawa tient en partie au fait que les sons et les odeurs ne sont pas dominés ni aseptisés par lair conditionné. Une symbiose se fait naturellement avec lambiance du lieu, la lumière joue autant du soleil que des pluies tropicales. Si bien que lexcentricité de larchitecte lamène à construire des salles de bain à ciel ouvert, un concept très rare dans ce genre dhabitation. Il mêle le raffinement cingalais au savoir-vivre européen. Son goût pour la renaissance italienne, son sens de lhédonisme émanent de son travail, pour le plus grand bonheur de celui qui y accède.
Cest par simple bon sens, par goût et par respect de la nature que Geoffrey Bawa a construit de nombreuses maisons et hôtels dans lesquels il a parfaitement maîtrisé le facteur bioclimatique bien avant que cette démarche soit de mise. Ses constructions dune totale actualité sont en parfaite osmose avec la nature environnante. Geoffrey Bawa fait dailleurs figure de gourou et la force de son style fut récompensée du fameux prix darchitecture de lAga Khan. Il a beaucoup influencé des générations de jeunes architectes, par son respect de la géographie, du climat, de la nature, de lhistoire et de la société de son pays. Son empreinte a laissé une touche délégance raffinée et attire le respect de beaucoup darchitectes
dans le monde.
Laisser faire le temps
Geoffrey Bawa utilise les matériaux nobles du pays pour les sols, les toitures et les colonnades inspirées des palais italiens quil aime tant. À cette période, le Sri Lanka souffre du manque dimportations ; larchitecte demande donc aux artisans locaux de reproduire les objets design à la mode en Europe et valorise les économies de moyens en incluant des éléments maçonnés pour les sofas, les escaliers, les niches dans les murs
Les matériaux sont toujours utilisés de manière sensuelle et vieillissent bien avec le temps. Larchitecte préfère mettre en valeur la patine qui attaque les murs dans un pays aussi humide, plutôt que de lutter contre certains effets des intempéries. Il en arrive parfois à créer des scènes qui soulignent le travail du temps, ces espaces devenant alors de véritables tableaux.
Sur les traces de larchitecte
Si vous partez en voyage au Sri Lanka, profitez-en pour visiter quelques-unes des maisons dessinées par Geoffrey Bawa ou pour séjourner dans des hôtels quil a conçus :
TO : Jetwing Travels www.jetwingtravels.com
Pour les vols : www.srilankan.aero tél. : + 33 (1) 44 55 34 00
Office de tourisme : www.srilanka.fr tél. : + 33 (0) 1 42 60 49 99