À flanc de colline, surplombant le village de Passenans, dans le Jura, une grande construction, toute de bois vêtue, vient rompre avec le paysage fait de maisons en pierres aux toits de tuiles. La construction, massive vue d’en bas, respecte la taille des vastes demeures régionales. Or, ici, ce n’est pas une mais trois maisons accolées, presque identiques, qui se sont implantées sur un terrain étroit de 1;000;m2.
Léa, Thierry et leurs deux enfants habitent le village depuis dix ans maintenant. Ils ont quitté leur grande et belle maison de pierres mal isolée pour cette construction récente qu’ils ont imaginée de A
à Z. Il s’agit en fait de trois maisons sur pilotis dans lesquelles, une fois n’est pas coutume, on entre par le haut. C’est par une passerelle que l’on embarque dans ces sortes de maisons perchées, à la frontière du navire et de la cabane, pour se trouver, passé le sas thermique, dans un vaste séjour/salle à manger/cuisine. Conçue sur le même plan, les trois habitations proposent des surfaces au sol différentes : 80;m2 pour celle de Léa
et Thierry ; 60;m2 pour les deux autres. Ici, on descend se coucher dans l’une des trois chambres de l’étage inférieur,  les petits jardins étant un niveau plus bas encore.
Un manifeste antipavillon
« Nous souhaitions proposer une alternative aux modèles des constructeurs de maisons basse énergie contemporaines, explique Léa. L’habitat groupé reprend finalement le modèle des villages anciens. On peut vivre bien, même si l’on ne peut faire le tour de sa maison. » « Nous n’avions pas peur d’avoir des voisins, poursuit Thierry. L’idée, c’était d’affirmer notre urbanité, de ne pas nier la vie publique, de rechercher le vis-à-vis et le rapport avec l’autre. »
Le projet s’est esquissé en 2005, à l’occasion du mémoire clôturant la formation HQE (Haute qualité environnementale) de Léa. « Nous avions déjà repéré ce terrain et rêvions d’habiter dans une de nos constructions. À chaque projet réalisé pour un tiers, nous avions un peu le blues à la fin », se souvient Thierry. Le coup d’accélérateur fut donné par l’appel à projets lancé par le conseil régional : « Construire et rénover les premiers bâtiments basse énergie en Franche-Comté ». Atypique, le projet de Léa et Thierry a d’emblée séduit le jury. Hormis le concept d’habitat groupé, il prouve
également qu’une architecture réfléchie permet d’implanter une maison basse consommation, même sur un site qui n’est pas parfait, notamment en terme d’orientation.
Savoir profiter des inconvénients
Présentant deux pentes raides de 10 et 30;%, ce terrain de surface réduite n’était en effet pas idéal, mais il avait ses atouts. Située au cœur du village, cette ancienne friche permettait de profiter des réseaux en place au lieu d’avoir à les prolonger, mais aussi de bénéficier de la proximité des commerces et des administrations, afin de réduire l’usage de la voiture. « Nous avons toujours considéré qu’il fallait d’abord regarder ce qu’il y a au cœur de la ville avant de l’agrandir », commente Léa. Autre avantage, et non des moindres, une vue exceptionnelle sur les alentours et les belles toitures anciennes. « C’est l’effet tour Eiffel, s’amuse Thierry, on profite des charmes de l’ancien sans en avoir les inconvénients. »
Panorama et bioclimatisme n’allaient pourtant pas de pair. Il est en effet conseillé de limiter les vitrages à l’ouest, lesquels sont les plus problématiques vis-à-vis du confort d’été. Hors de question, cependant, de perdre cette vue imprenable sur le village et sa région. Le compromis passe par de larges ouvertures et une grande terrasse confortable, véritable pièce en plus qui devrait se couvrir prochainement de vélums afin de limiter la surchauffe. L’orientation n’étant pas parfaite, il était difficile de privilégier les apports solaires par la façade sud de chaque maison. Ici, c’est la déclivité naturelle du terrain qui a fourni la solution. Alliée à la toiture monopente, elle a permis de décaler un peu chaque demeure afin que chacune bénéficie d’une façade sud largement vitrée, à même de recueillir un maximum d’apports solaires en hiver. Ici, pas de casquette, même si les panneaux solaires jouent un peu ce rôle, car, dans le Jura, il peut faire froid, même au mois de juin. Le confort d’été est donc assuré par des stores extérieurs électriques à lames orientables.
Enfin, les grandes lignes du projet furent imposées par l’exiguïté du terrain. Afin de ne pas gâcher l’espace jardin et sans avoir non plus à construire trop en hauteur, l’entrée se fait par la partie haute, et la maison se développe à l’envers. Ce sont ensuite les préceptes du bioclimatisme qui ont déterminé la forme dense et compacte de l’habitation. « On s’est amusé à suivre rigoureusement les grands principes de la construction écologique : taille des fenêtres, orientation, compacité… puis on a cherché à créer un espace agréable à vivre », explique Léa.
Intégration à court et moyen termes
Afin de minimiser l’impact de la maison, les architectes ont glissé leur projet entre les deux maisons d’en face pour ne pas trop leur gâcher la vue. Bien que radicalement différentes de l’architecture locale, notamment par la toiture, les trois constructions cherchent à se fondre dans le paysage. Simplicité et forme massive, le bâtiment reprend les grandes lignes de l’architecture jurassienne en général. Inspirées d’une grange dans le bas de la rue avec des planches très ajourées, les trois maisons sont ainsi recouvertes d’un bardage vertical à joint ouvert. Mais l’intégration au paysage devrait se faire progressivement, davantage par les couleurs que par la forme. Petit à petit, la nature va prendre possession du bâtiment :
les terrasses vont se végétaliser, les plantes grimper le long des pilotis, le bois va griser… Installés depuis le printemps dernier, Léa et Thierry attendent désormais leurs nouveaux voisins, et c’est ensemble qu’ils feront évoluer leur espace de vie. 
Structure béton et peau de bois
Malgré son apparence, le bâti mélange deux modes constructifs : construction bois et squelette béton. L’enveloppe qui gère tous les ponts thermiques et l’étanchéité à l’air du bâtiment, a une épaisseur totale de 24;cm. Elle est constituée d’une isolation intérieure et d’une isolation extérieure en laine de roche et de panneaux de bois, le tout revêtu d’un bardage vertical en pin huilé et pigmenté. La toiture est un bac acier sur charpente bois. Le rez-de-jardin peut être fermé pour augmenter la surface habitable et réduire encore les déperditions.
Modularité et accessibilité  
Les parties hautes, accessibles de plain-pied, sont des espaces entièrement ouverts, mais qui peuvent aisément se cloisonner. Dans les deux autres maisons, les sanitaires sont situés au même niveau que l’entrée, pour l’accessibilité aux handicapés.
Thermique : restons simples
Les deux capteurs solaires thermiques suffisent en été pour fournir l’eau chaude sanitaire d’une famille de quatre personnes. Le chauffage est assuré par une pompe à chaleur air/eau couplée à un plancher chauffant dans le séjour et à des radiateurs basse température dans les chambres. L’objectif : un système simple à s’approprier. Le poêle à bois ne constitue ainsi qu’un agrément de la première maison, même s’il suffirait à la chauffer entièrement. « Il faut tout de même s’en occuper, le remplir matin et soir ! » Sur le même principe, la ventilation choisie est un système simple flux hygroréglable, d’une maintenance plus aisée qu’une ventilation double flux.
Performances
Dans la région, l’obtention du label BBC-Effinergie est subordonnée à une consommation inférieure à 60;kWhÉP;/m2/an,
* CÉP* maison 1 = 51,28 kWhÉP;/m2 SHON
* CÉP maison 2 = 51,72 kWhÉP;/m2 SHON
* CÉP maison 3 = 49,83 kWhÉP;/m2 SHON
Coût prévisionnel de consommation : 320;€/maison/an
Conception : Stimulus architecture – stimulus-architecture.com
*CÉP = consommation en énergie primaire rapportée à la surface hors œuvre nette, comprenant chauffage, eau chaude, ventilation, éclairage
Texte : Aurélie Cheyssial – Photos : Didier Chatelain