Toute de noir vêtue, la maison Gaïta prône pourtant « l’écologie de la sensualité et du plaisir ». L’architecte Pascal Gontier s’est, ici, prêté au jeu de la maison d’architecte. Il livre, en même temps que sa demeure familiale, son manifeste en faveur d’une prise en compte architecturale, et non plus seulement technique, des contraintes environnementales. L’architecture au cœur du projet Tirant son nom d’une cornemuse espagnole, Gaïta est un bâtiment urbain situé avenue du Bas-Meudon, sur l’île Saint-Germain, à Issy-les-Moulineaux (92). Entourée de maisons individuelles et de petits immeubles, sa façade nord, en bois noir, est à la fois en alignement sur la rue et partiellement en recul en raison d’une implantation du bâti en « L » autour d’un jardin de 21m2. Ce dernier est surplombé par un mur végétal de trois mètres de haut qui comprendra 25 espèces différentes. Les plantes sont également présentes dans le jardin côté sud, ainsi qu’au niveau de la toiture végétalisée. L’objectif de l’architecte fut avant tout de créer un bâtiment passif, mais en ne respectant pas forcément les règles du genre. « L’“urgence écologique” ne nous condamne pas nécessairement à habiter dans des bâtiments épais, avec de petites fenêtres et un renouvellement d’air minutieusement mesuré », prône-t-il. Ainsi, les simulations énergétiques ont été réalisées dès les premières esquisses. De la structure à l’isolation en passant par l’inertie ou la taille des ouvertures, tout a été paramétré en amont, l’objectif étant d’offrir les plus hautes performances énergétiques possibles sans rien sacrifier au confort ou à la générosité des espaces. Une enveloppe efficace Excepté pour le plancher, la toiture et le mur mitoyen, les matériaux utilisés sont naturels. Le bois a donc logiquement trouvé sa place dans ce projet, tant au niveau de la structure que du bardage et des menuiseries. La structure bois a été préfabriquée en Autriche, dans le Vorarlberg. Une fois les fondations en béton terminées, l’essentiel du chantier (montage des étages, des parois et des cloisons) n’a nécessité que quelques jours avec des assemblages à queue d’aronde. L’enveloppe du bâtiment est conçue de façon à limiter au maximum les déperditions thermiques. Elle est composée d’un bardage bois de 20mm, d’un tasseau de 40mm, d’un pare-pluie rigide de 16mm, d’une structure avec isolation en ouate de cellulose de 240mm, d’un panneau OSB de 15mm, d’un pare-pluie et d’une isolation en laine de bois (40mm) avec un parement intérieur en plaque de plâtre. Pour l’isolation, seuls quelques points singuliers sont traités par un isolant sous vide. Largement surdimensionnées de façon à apporter le confort visuel, les nombreuses ouvertures sont, quant à elles, dotées d’un triple vitrage très performant. Les planchers des étages sont également en bois massif. Celui du premier, composé de caissons de 16 cm rainurés, sert à la fois à l’acoustique du salon et à apporter de l’inertie grâce au gravier dont il est rempli. De l’énergie à revendre À l’arrière de la maison, la façade sud profite de chaque rayon de soleil, d’abord par ses larges fenêtres et des murs capteurs d’énergie, composés d’une couche de verre « prismatique » et d’un élément absorbant en bois en forme de peigne. 43m2 de cellules photovoltaïques sont disposés au niveau des brise-soleil et du shed de la toiture pour une puissance de 5,86kWc. Dimensionnée à partir des bilans énergétiques prévisionnels réalisés par l’architecte, cette installation devrait produire entre 43 et 45kWhép./m2/an, soit plus que la maison ne consomme (électroménager compris). Le chauffage et les fondations sont, ici, intimement liés. La nature du sol a, en effet, imposé des fondations sur pieux dont l’architecte a profité pour en faire le support d’une installation géothermique. Les neufs pieux contiennent un circuit d’eau glycolée qui capte la chaleur d’une nappe d’eau souterraine à 12°C. Ce dispositif améliore le rendement de la pompe à chaleur eau/eau qui alimente le plancher chauffant et l’eau chaude sanitaire. Couplé à un échangeur eau/air, il permet aussi de préchauffer l’air entrant dans la maison en hiver ou de le refroidir en été, à la manière d’un puits canadien. Une maison qui respire Le cœur de la construction est le système de ventilation qui a inspiré son nom à la maison. Il s’agit d’un prototype de ventilation naturelle hybride qui permet de récupérer l’énergie sur l’air extrait grâce à un circuit d’eau. Ce système offre des résultats un peu moins bons qu’une ventilation double flux en termes de consommations de chauffage, mais supprime totalement les consommations électriques de ventilation. « Mon but était de trouver plutôt une solution architecturale qu’un système technique, et l’avantage est qu’en cas de panne de courant, j’ai peut-être froid, mais je respire encore ! » Toute l’architecture de la maison est organisée autour de ce dispositif (lire encadré page 47). Ne correspondant pas totalement aux normes françaises de construction, ce projet n’aurait sans doute jamais vu le jour pour un client lambda. Permettant de tester de nouvelles pratiques et solutions, il vise aussi à inciter les acteurs de la construction à la réflexion. Selon Pascal Gontier, en effet, « la réponse aux défis de demain ne peut se contenter des seules bonnes pratiques ». Aurélie Cheyssial Ventilation contrôlée mais naturelle L’entrée d’air, ainsi que deux échangeurs air-eau, sont situés en partie basse de la maison. Un large conduit débouche ensuite sur un caisson de 10m3 visitable, suspendu au-dessus de l’entrée qui permet de répartir l’air dans les différentes pièces. L’extraction s’effectue à partir des pièces humides et se manifeste en toiture par une généreuse cheminée à laquelle est intégrée l’échangeur air-eau. Une surventilation naturelle peut être assurée grâce à la conception particulière des fenêtres, qui fait appel à des persiennes et à des impostes vitrées.