La politique d’adaptation de l’UE face au changement climatique risque d’évoluer moins vite que le climat lui-même. C’est ce qu’avance un rapport publié le 16 octobre 2024 par la Cour des comptes européenne. Les pertes économiques dues aux phénomènes climatiques extrêmes dans l’UE se sont chiffrées en moyenne à 26 milliards d’euros par an au cours de la dernière décennie. L’exposition de l’économie actuelle de l’UE à un réchauffement planétaire de 1,5 à 3 °C par rapport aux niveaux préindustriels – une estimation prudente – entraînerait annuellement des pertes économiques comprises entre 42 et 175 milliards d’euros.

«Nous avons examiné ce que fait l’Europe pour s’adapter d’urgence à la récurrence de conditions météorologiques extrêmes» a déclaré Klaus-Heiner Lehne, le Membre de la Cour responsable de l’audit. « Et nous avons constaté que l’exécution des politiques sur le terrain était problématique. À moins que l’UE n’améliore la mise en œuvre de son action, il est à craindre que ses ambitions en matière d’adaptation se concrétisent moins vite que le changement climatique. »

Le cadre de l’UE pour renforcer sa résilience au changement climatique est globalement solide. Les auditeurs ont examiné les politiques nationales d’adaptation de la France, de l’Estonie, de l’Autriche et de la Pologne et constaté qu’elles étaient généralement cohérentes avec la stratégie de l’UE. Cependant, ils ont également pointé l’utilisation de données scientifiques obsolètes pour établir les documents relatifs à la stratégie nationale d’adaptation. Ils ont aussi relevé des cas d’omission ou de sous-estimation du coût des mesures d’adaptation. La transposition des politiques d’adaptation de l’UE et des Vingt-Sept dans la réglementation locale est un processus difficile. Bien que l’UE considère le niveau local comme étant « le fondement de l’adaptation », il est ressorti de l’enquête adressée par les auditeurs à 400 communes des États membres audités qu’un grand nombre de répondants ne connaissaient pas les stratégies et les plans d’adaptation au changement climatique et n’utilisaient pas les outils d’adaptation européens (Climate-ADAPT, Copernicus et la Convention des maires de l’UE).

Plus de la moitié des projets audités permettaient de lutter efficacement contre les risques climatiques, et les auditeurs ont mis en évidence de bonnes pratiques. Mais ils ont également relevé des conflits de priorités. En l’occurrence, les objectifs d’adaptation au changement climatique devaient coexister avec d’autres objectifs, tels que la compétitivité ou le développement régional. Ils ont par exemple observé que des projets répondant à des besoins d’irrigation accrus risquaient d’entraîner une augmentation de la consommation globale d’eau, ou découvert que de nouveaux permis de construire continuaient à être délivrés dans une zone à risque d’inondation pourtant couverte par un projet de protection contre les inondations. Ils ont même repéré deux projets susceptibles de conduire à une maladaptation, qui se définit comme l’accroissement, au lieu de la réduction, de la vulnérabilité ou de l’exposition au changement climatique. Promouvoir l’irrigation de cultures gourmandes en eau plutôt qu’opter pour des cultures qui le sont moins, et investir dans des canons à neige artificielle au lieu de se tourner vers le tourisme tout au long de l’année, sont des exemples de maladaptation. Certains autres projets (de réapprovisionnement de plages en sable, par exemple) n’offrent qu’une solution d’adaptation à court terme.

En ce qui concerne le financement, l’adaptation au changement climatique ayant un caractère transversal, les fonds alloués par l’UE proviennent aussi bien de l’agriculture que de la cohésion ou encore de la recherche. Le suivi du financement est, de ce fait, problématique. Les rapports sur l’adaptation doivent être améliorés : selon les auditeurs, ils ne permettent pas, à l’heure actuelle, d’évaluer correctement les progrès accomplis en matière d’adaptation au changement climatique dans les États membres, car ils sont principalement de nature descriptive et ne comportent aucune donnée quantifiable.