Le cénotaphe de Montaigne, monument emblématique des collections bordelaises, est à nouveau exposé au Musée d’Aquitaine à Bordeaux depuis le 20 mars 2018. Il a été restauré grâce à une campagne de financement participatif. Sculpté en 1593, un an après la mort du philosophe vraisemblablement à la demande de Françoise de la Chassaigne, son épouse, par deux ornemanistes bordelais, Prieur et Guillermain, sa localisation dans l’ancienne faculté, puis au musée d’Aquitaine qui lui a succédé au début des années 1980 est légitime. En effet, Montaigne avait été enterré dans l’ancien couvent des Feuillants construit sur ce site à la fin du Moyen Âge.

Montaigne est représenté en gisant, vêtu d’une armure sur le modèle médiéval alors que la mode de l’époque en matière d’art funéraire avait déjà remplacé les gisants par des orants lesquels se seraient probablement mieux prêtés à sa représentation en maire de Bordeaux ou en écrivain plutôt qu’en homme d’arme. Selon les spécialistes, le choix n’est pas anodin : c’est la noblesse récente de la famille de Montaigne (1519) qu’on a voulu mettre en évidence plutôt que ses qualités intellectuelles comme si la reconnaissance sociale importait plus que toute autre. De part et d’autre du tombeau sont gravées deux épitaphes. L’une, en latin, sur la partie décorée, est considérée comme l’épitaphe officielle ; elle retrace dans le style de l’époque l’ascendance du défunt, les charges qu’il a assurées et ses qualités humaines. Dans l’autre, en grec, Montaigne apostrophe directement le lecteur pour lui rappeler dans un style emphatique combien il a su se hisser au rang des plus grands. Là où l’on attendait des sentences sur le sens de la vie et de la mort, on lit l’autoglorification d’un homme et il est peu probable que l’auteur des Essais se serait reconnu dans ce texte. Au pied de Montaigne, conformément à l’iconographie médiévale, le lion symbolise le courage du défunt. Il a la particularité d’avoir deux langues que les lettrés interprètent comme une référence aux deux langues de culture que maîtrisait le philosophe : le grec et le latin. Mais on pourrait y voir aussi bien une référence à ses deux langues maternelles : le latin et le gascon.

Photo : F. David, mairie de Bordeaux