Après le drame survenu à Mayotte, Valérie Létard, la ministre chargée du Logement, s’est rendue le 30 décembre sur l’archipel aux côtés du Premier ministre François Bayrou et de quatre autres ministres. Durant ce déplacement, la ministre a pu entendre les témoignages de la population, des élus et du secteur. Elle a réuni l’ensemble des acteurs locaux du logement et de l’hébergement, saluant leur mobilisation sans faille depuis le passage du cyclone. Cette rencontre a permis de dresser un état des lieux des besoins sur le terrain et de consolider les actions d’urgence en cours, tout en définissant des priorités pour les prochaines étapes de reconstruction. Le Premier ministre a présenté les grandes orientations du plan Mayotte Debout. Plan qui devait être présenté lors du conseil des ministres du 3 janvier 2025 mais qui finalement le sera le 10 janvier.

Un plan d’urgence a été lancé pour la mise hors d’eau des bâtiments publics et des habitations, avec l’acheminement de 140 tonnes de bâches supplémentaires, couvrant 700 000 m², en complément de 100 tonnes déjà livrées. Rapidement après le 14 décembre et le passage du cyclone Chido, l’Association « Architectes de l’urgence » avait fait acheminer du matériel essentiel : matériel d’urgence, 71 000 m² de bâches de protection aves un financement initial de 185 000 euros pour structurer l’intervention. Les équipes d’architectes et d’ingénieurs de l’association intervenant sur le terrain depuis le 20 décembre pour expertiser les bâtiments publics et privés fragilisés. Ces interventions étant réalisées en étroite collaboration avec les services de la sécurité civile. Ils ont également travaillé en coordination avec les communes et institutions locales pour sécuriser des infrastructures critiques telles que les écoles, mairies, locaux de la police et centres sportifs. A l’arrivée des ministres, 90 bâtiments publics avaient été évalués et sécurisés dans des communes comme Tsingoni, M’Tsangamouji, Koungou et Labattoir. Une expertise spécifique des 90 écoles primaires et maternelles de la région nord de l’île, hors Mamoudzou, était en cours à la demande de la DEALM (Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement de Mayotte) et du Rectorat.

François Bayrou a tenu à préciser que l’État et les collectivités locales s’accordaient pour interdire la reconstruction des bidonvilles, « une mesure qui sera intégrée dans la loi ». Avant le passage du cyclone, plus de 100 000 personnes vivaient dans ces bangas. Sur France Culture, Cyrille Hanappe, Architecte, directeur pédagogique du diplôme de spécialisation et d’approfondissement « Architecture des risques majeurs » à l’Ecole Nationale Supérieure d’architecture Paris-Belleville a rappelé que « Le gouvernement était bien gentil de vouloir dissuader les gens de reconstruire des bangas, mais ils n’ont pas de maison s’ils n’ont pas de bangas ». Dès le lendemain de la catastrophe, les rescapés des bidonvilles se mettaient à reconstruire leurs habitats précaires et fragiles aux cyclones. Le principal défi réside selon lui dans la nécessité de construire de manière plus sécurisée pour mieux résister aux cyclones futurs. « Il est essentiel d’installer des équipements techniques, tels que des contreventements, en fixant les toits de manière différente, pour que ces maisons résistent aux prochains cyclone ».

Pour Jean-Baptiste Fressoz, Historien, chercheur au CNRS, dans Le Monde du 2 janvier 2025, la « reconstruction de Mayotte » est un défi sans commune mesure avec celle de Notre-Dame. Il est aussi probable que la reconstruction de l’île dépende moins de solutions techniques toutes faites comme les « maisons préfabriquées faciles à monter » invoquées par François Bayrou que de la disponibilité de matériaux de construction éprouvés et bon marché (pisé, briques, parpaing, ciment, tôle ondulée…). « Les ruines de Mayotte ont mis en évidence l’importance de la tôle ondulée ». Dans le Rapport sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d’outre mer du 27 mai 2024. Il était déjà écrit que le savoir-faire reposait en particulier sur le contreventement, qui permet de stabiliser l’ouvrage et, surtout, de l’ancrer au sol ou aux fondations. C’est la base de la construction dans un climat cyclonique. Des technologies particulières, des structures et des couvertures différentes de celles que l’on rencontre habituellement en France, notamment la tôle ondulée sont employées.

Le même rapport faisait le constat de l’inadaptation des normes outre-mer, par exemple des DTU. La tôle ondulée ayant été retirée – de manière inadmissible – de la liste de l’Afnor en 2004 par une décision prise à l’échelon national, alors que c’est une technique très éprouvée, résistante aux vents cycloniques, qui a la capacité de renvoyer une partie de la chaleur, surtout si le matériau utilisé est clair. Elle convient au climat de la plupart des outre-mer. Il préconisait également non pas l’emploi d’une tôle en acier classique, mais d’une tôle en aluminium d’Afrique du Sud, qui offre une meilleure résistance de la couverture et des façades.