La mission d’information du Sénat sur la crise du logement a présenté le 30 avril son rapport avec un avertissement : « Si rien n’est fait rapidement, cette crise profonde va s’installer dans la durée avec de graves conséquences. »

La crise est aujourd’hui multisegment. Elle touche l’accession neuve, les transactions dans l’ancien et la production des institutionnels (LLS tout particulièrement) ainsi que l’offre locative de longue durée. L’immobilier est un secteur de long terme, les projets mettent plusieurs années à se concrétiser. Il faut comprendre que la crise de la demande entretient et accentue la crise de l’offre neuve. En effet, en France, la promotion neuve ne souffre pas de surproduction. Elle ne produit que ce qu’elle a vendu et financé auprès des banques. Dès lors, les programmes qui ne sont pas vendus et les permis qui ne sont pas demandés aujourd’hui sont autant de constructions qui ne se feront pas dans les prochaines années et qui empêchent les promoteurs de reconstituer leurs fonds propres. 150 000 à 300 000 pertes d’emplois directs et indirects sont à craindre. Les pertes de recettes fiscales et sociales vont être importantes. Le Gouvernement a méconnu l’effet de levier des dépenses en matière de logement. On évoque 3,8 milliards d’euros de pertes de droits de mutation et 4 milliards de moindre rentrée de TVA. À cet égard, il doit être rappelé que les recettes fiscales sur le logement, qui sont estimées selon l’INSEE et la Cour des comptes entre 92 et 97 milliards d’euros, sont plus deux fois plus élevées que les aides consenties, évaluées à 41,5 milliards d’euros en 2022.

Fondamentalement, la crise du logement vient entraver des projets de vie. Comment étudier ou changer d’emploi sans pouvoir se loger ou dans des conditions telles que cette évolution qui devrait être un progrès devient une charge ? Il n’y a pas de plein emploi ou de réindustrialisation sans logement. Comment agrandir sa famille sans pouvoir loger un enfant en plus ? Trop peu ont souligné le lien entre la chute de la démographie et la crise du logement. L’ensemble de ces situations met à mal le pacte social et menace la solidarité et la cohésion nationale. Des élus ont souligné la résurgence de manifestations identitaires ou régionalistes. Les polémiques autour de l’accès et du maintien dans le logement social en sont un autre signal. Alors que dans un parcours résidentiel fluide, le logement social était pour beaucoup un passage à un moment de la vie, il est désormais perçu ou présenté soit comme une relégation soit comme un avantage indu.

Cette crise est profonde. Même si les taux d’intérêt baissent conduisant à une certaine relance de l’immobilier, la crise du logement demeurera. Si rien ne change, elle devrait s’installer dans la durée et prendre un caractère politique toujours plus marqué car elle provoque de la frustration et du ressentiment.

Une nécessaire relance de la demande pour un effet à court terme

Stopper l’attrition du marché locatif en donnant aux maires les moyens de réglementer sévèrement les meublés de tourisme partout où ces locations provoquent un effet d’éviction sur l’habitat permanent et sont devenues un véritable produit financier. En modifiant le calendrier de la loi « Climat et résilience » qui ne peut pas être tenu et fait peser un risque important de sortie du marché d’environ 18 % des logements locatifs.
Revenir sur le recentrage du PTZ, voire l’élargir à l’achat en BRS, revenir sur la suppression de l’APL-accession, et, enfin, supprimer le caractère obligatoire des préconisations du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) qui expliqueraient de l’ordre de 20 % des refus de crédit aujourd’hui. Soutenir l’investissement locatif réalisé par les particuliers. Enfin, relancer le logement social par un financement exceptionnel des bailleurs en fonds propres pour l’acquisition de programmes neufs en complément de l’acquisition de 30 000 logements menée par CDC Habitat et Action Logement.

La relance de l’offre pour un impact à moyen terme

Réduire les délais, paralléliser les démarches et réduire les recours. Redonner la main aux élus locaux en matière de logement. Il faut leur redonner l’envie, les moyens et le pouvoir d’agir. Les élus demandent l’extension des dérogations accordées aux zones tendues et de pouvoir participer à la détermination des zonages. Ils souhaitent pendre une part plus active dans l’attribution des logements sociaux de leur territoire. Mobiliser les réservoirs fonciers. Faciliter la transformation de bureaux en logement.
S’interroger sur une généralisation d’une adaptation de la trajectoire de ZAN dans les communes à fort besoin de logements.

La refondation

Quatre propositions sont formulées :
– La rédaction d’un livre blanc refondant la politique du logement et aboutissant à une loi de programmation. Il ne s’agit pas d’écrire un nouveau rapport ou de lancer une nouvelle concertation comme cela a été fait au cours des années récentes et dont le CNR a été la dernière illustration, mais de préparer des décisions politiques sous contrainte temporelle et financière, comme cela se fait en matière de défense.
– Redéfinir l’appui de la nation aux bailleurs sociaux, après les coups de canif qu’ont été la RLS, la baisse des APL et le retrait de l’État du financement du FNAP. Il s’agirait également de réaffirmer le modèle du logement social, outil du lien emploi-logement en termes de priorité d’attribution et de gestion de la PEEC, après le harcèlement subi par Action Logement depuis sept ans.
– Déblocage du parcours résidentiel des classes moyennes. Cela implique un soutien actif à l’accession qui pourrait passer par un renforcement du PTZ, comme cela a existé par le passé. Les conditions juridiques et financières d’acquisition pourraient également évoluer avec des formules progressives fondées sur un démembrement de la propriété ou de remboursement partiel comme cela existe en Belgique ou en Suisse.
– Reconnaissance de la contribution sociale et économique du bailleur privé. Aujourd’hui l’investissement locatif est vu comme une rente et non comme la production et la fourniture d’un service de logement qui a donc une dimension sociale et économique. Dès lors, il devrait être traité fiscalement comme tel. L’assujettissement des biens en location longue durée, éventuellement sous condition de loyer, à l’IFI devrait être reconsidéré et l’investissement locatif devrait pouvoir faire l’objet d’un amortissement