La Cour des comptes vient de sortir un rapport sur les plans en faveur du secteur industriel. Elle s’interroge sur leur efficacité.
Après avoir décroché plus fortement que chez nos voisins entre 2000 et 2010, le poids économique de l’industrie, incluant l’énergie et l’industrie manufacturière, s’est stabilisé autour de 14 % du PIB entre 2011 et 2019 et a atteint 15 % du PIB en 2023 grâce au rebond du secteur énergétique. Celui de l’industrie manufacturière s’est stabilisé entre 10 et 11 % du PIB. La production industrielle a été durablement affectée par la crise de 2008-2009, avec un retour en 2013 au niveau de 2007, et par la crise sanitaire avec un retour en 2022 au niveau de 2019, en valeur mais pas en volume. L’emploi industriel, stable à 10 % de l’emploi total, augmente depuis 2017. Il est réparti à près de 75 % hors des métropoles, ce qui fait de l’industrie un important levier de cohésion territoriale. La France, troisième pays industriel de l’UE, a connu une dynamique industrielle inférieure à celle de l’Allemagne et de l’Italie. Entre 2000 et 2019, la valeur ajoutée industrielle a augmenté de 20 %, de 61 % en Allemagne et de 28 % en Italie. La part de de l’industrie française dans les exportations européennes a diminué et le solde commercial avec les pays de l’UE s’est dégradé de 2012 à 2022. L’industrie s’est concentrée sur certains secteurs, l’aéronautique, la chimie- pharmacie et l’agroalimentaire ; la part de l’automobile et des produits électriques a reculé.
Des efforts importants en faveur de la compétitivité des entreprises
Les mesures prises depuis 2014 ont réduit les écarts de compétitivité coût des entreprises avec les autres pays européens. À la suite du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et de la réduction des cotisations sociales, le coût horaire du travail est équivalent à celui de l’Allemagne, dont l’industrie peut cependant s’appuyer sur un positionnement de gamme plus élevé. Le coût horaire demeure supérieur à celui de l’Italie ou de l’Espagne. De même, la diminution du taux de l’IS et des impôts de production a fait baisser le taux effectif de taxation des entreprises en France de 35 % en 2019 à 25 % en 2022, atteignant un niveau proche de la moyenne européenne. La fiscalité des entreprises industrielles reste pénalisée par des impôts de production tels que la CVAE et la C3S qui ne sont pas liés à leur rentabilité. Par ailleurs, la fin du mécanisme d’accès régulé à l’électricité nucléaire (Arenh) en 2026 et l’augmentation des prix de l’énergie font peser un risque significatif sur la compétitivité industrielle. Des handicaps structurels grèvent la compétitivité hors coût. La contraction de l’industrie limite les capacités de financement de la recherche qui se traduit insuffisamment en innovations. Son image reste dégradée, ce qui nuit à l’attractivité des formations et des métiers. Pour réduire les tensions de recrutement, un dispositif durable de soutien à la formation des salariés de l’industrie devrait être défini en lien avec les branches professionnelles et les collectivités locales. L’amélioration de l’attractivité économique reste fragile. Les projets en France comportent moins de créations de sites qu’en Allemagne et au Royaume-Uni et l’environnement des entreprises peut encore être simplifié, notamment les délais d’autorisation des projets d’implantation industrielle.
Des soutiens publics pas toujours ciblés sur l’industrie à l’efficacité inégale
La Cour a évalué les soutiens publics à l’industrie de 2012 à 2019 à 17 Md€ par an et de 2020 à 2022 à 26,8 Md€ par an, hors interventions en fonds propres. La plus grande part de ces soutiens prend la forme de dépenses fiscales et d’allègement de cotisations sociales. Les politiques transversales de soutien au secteur de l’énergie, à la R&D, à l’emploi et à la formation et à l’innovation représentent 86 % du coût pesant sur le budget de l’État. L’industrie est ainsi le premier secteur d’activité bénéficiaire du crédit impôt recherche, dont le ciblage peut être amélioré, ainsi que des soutiens à l’activité partielle, au commerce extérieur et aux entreprises fortement consommatrices d’énergies. Le suivi des interventions en fonds propres de l’Agence des participations de l’État et de Bpifrance, qui s’élèvent à 2,2 Md€ par an, devrait être amélioré. Les résultats des plans successifs de soutien à la réindustrialisation ou à la numérisation qui se sont succédé sur la période examinée sont peu concluants. Quant aux programmes d’investissement d’avenir (PIA), de 2010 à 2019, leur impact sur l’industrialisation reste limité. Depuis 2020, le programme France 2030 a développé l’attribution de subventions à des projets industriels. Ses interventions devraient être davantage ciblées et privilégier les instruments les plus efficaces, comme les avances remboursables ou les instruments financiers.
Une stratégie industrielle à approfondir
La stratégie industrielle doit s’appuyer sur des politiques macroéconomiques et horizontales favorables à l’environnement compétitif des entreprises, s’intégrer aux politiques de formation, de transition énergétique, de protection de l’environnement, de recherche et d’innovation et aux politiques sectorielles, sans être réduite aux aides aux entreprises. Elle doit aussi être coordonnée avec l’action des collectivités territoriales dont le rôle est déterminant pour l’accès au foncier et l’accompagnement des projets et des écosystèmes industriels. La dimension européenne devrait être renforcée. Le rapport Draghi, publié en septembre 2024, recommande d’aligner la politique commerciale, de concurrence et industrielle pour garantir l’autonomie stratégique européenne, d’amplifier les programmes européens de soutien à l’innovation et les projets d’intérêt européen commun (PIIEC), qui devraient être priorisés. Enfin, un dialogue plus stratégique avec les acteurs est nécessaire, avec une attention accrue aux impacts territoriaux et aux disparités sectorielles à travers des indicateurs adéquats.
Graphique : composition de la VA industrielle française en 2012 et en 2022 (%) dans le rapport de la Cour des Comptes