La transition écologique constitue un défi majeur pour l’industrie, qui sera confrontée à une transformation des modes de production et à une concurrence internationale intense dans les industries vertes. Les effets des plans sociaux intervenus dans l’industrie entre 1997 et 2019 éclairent les capacités d’ajustement du marché du travail français face à des chocs passés qui pourraient préfigurer ceux de la transition écologique. Ces plans sociaux se sont traduits par un fort coût individuel en matière d’emploi et de salaire. Contrairement à l’hypothèse de destruction créatrice, ils n’ont pas permis de réallocations de main-d’œuvre bénéfiques pour l’économie locale. Les salariés qui ont retrouvé un emploi travaillent dans des entreprises plus petites, moins créatrices de valeur et qui ont en moyenne un taux d’investissement 36 % plus bas que celles où sont employés les salariés n’ayant pas subi de plan social. Qu’observe-t-on dans la zone d’emploi après un licenciement massif ? Une précarisation accrue : les parts d’intérimaires et de CDD dans l’emploi total sont respectivement 21 % et 47 % plus élevées six ans après le plan social. Mais également un plus fort taux de chômage : six ans après le plan social, il est supérieur de 12 % à celui d’une zone non touchée. Lorsqu’une usine ferme ou réduit drastiquement sa taille, c’est l’activité des sous-traitants et de tous les services associés qui sont menacés : commerces, restaurants, entreprises de nettoyage, etc.  Compenser les « perdants » de la transition écologique, comme on espérait pouvoir le faire dans les années 2000 pour les « perdants » de la mondialisation, ne peut suffire. L’enjeu de la transition écologique qui se dessine consiste surtout à développer des politiques permettant de concilier décarbonation et renforcement des tissus productifs. À l’heure où la concurrence internationale s’intensifie dans les secteurs d’avenir, rater le virage de l’industrie verte, c’est prendre le risque d’une nouvelle vague de désindustrialisation, aux conséquences durables pour les individus concernés et les territoires.

Source : « Vingt ans de plans sociaux dans l’industrie : quels enseignements pour la transition écologique ? », lettre du Cepii, Axelle Arquié & Thomas Grjebine