Au lendemain de l’incendie du 15 avril 2019, les archéologues sont intervenus au chevet de la cathédrale Notre-Dame de Paris. La loi d’exception du 29 juillet 2019 a confié à l’Inrap la responsabilité des interventions d’archéologie préventive. C’est donc sur prescription de l’État (Drac Île-de-France) en lien étroit avec l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris (EPRND), maître d’ouvrage du chantier, que les équipes de l’Inrap œuvrent depuis cinq ans, à un programme de diagnostics et fouilles archéologiques, à l’extérieur et l’intérieur de la cathédrale.

Les travaux entrepris dans le cadre de sa restauration ont nécessité le percement de tranchées, impactant le sous-sol et ses sépultures. Les tombes mises au jour ont fait l’objet d’une fouille minutieuse. Les ossements ont été prélevés ainsi que les restes de certains cercueils en bois ou cuves en plâtre pour étude en laboratoire. Plus d’une centaine de sépultures ont été identifiées et 80 d’entre-elles ont été fouillées. Croisée du transept, réseaux intérieurs et carneaux, cave Soufflot : la majeure partie des zones a livré des sépultures, la plus forte densité se situant dans des collatéraux nord et sud de la cathédrale. Les deux sarcophages de plomb mis au jour à la croisée du transept ont été fouillés en 2022 à l’institut médico-légal du CHU de Toulouse. Si l’identification du chanoine Antoine de La Porte avait été facilité par l’épitaphe figurant sur son cercueil, l’autre défunt restait anonyme.

L’UMR 5288 de l’Université Toulouse III/CNRS et le professeur Eric Crubézy ont entrepris une recherche pluridisciplinaire et proposent des pistes d’identification :
« L’individu anonyme est décédé d’une méningite chronique tuberculeuse au XVIe siècle dans sa quatrième décennie, un âge peu représenté parmi les inhumations de sujets d’importance dans la cathédrale. Cet inconnu, autopsié et embaumé, intrigue car il repose dans une zone spécifique où, à part Antoine de La Porte, aucune autre tombe intacte n’a été découverte. Les recherches suggèrent qu’il pourrait avoir réoccupé une tombe ayant accueilli deux personnes bien connues à leur époque, mais sans titres religieux un peu exceptionnels. Notre attention s’est portée sur Joachim du Bellay, cavalier émérite, poète tuberculeux, décédé en 1560, dont l’autopsie avait révélé des signes de méningite chronique. Inhumé dans la cathédrale alors qu’il n’en était même plus chanoine, sa tombe n’a pas été retrouvée en 1758 près de celle de son oncle, bien que la famille souhaitât qu’il soit inhumé à ses côtés. Cette situation crée une discordance entre l’accord du chapitre, qui choisissait les lieux d’inhumations à Notre-Dame, et l’emplacement dans la croisée du transept. Deux hypothèses argumentées sont avancées : une sépulture transitoire devenue permanente ou un transfert de son cercueil lors d’une autre inhumation, en 1569, après la publication de ses œuvres complètes. »

Presque tous les individus mis au jour à l’intérieur de Notre-Dame sont des adultes. La plupart d’entre-eux présentent des pathologies liées à la sénescence comme l’arthrose, l’édentation ou l’ossification des cartilages qui témoignent d’une population plutôt âgée. Enfin, à une exception près, tous les squelettes sont de sexe masculin. Sans surprise, ce constat reflète une population attendue dans une cathédrale : religieux ou laïcs issus des classes privilégiées. Tous les squelettes exhumés font l’objet d’une étude anthropologique exhaustive. Par ailleurs des datations radiocarbones, des analyses paléogénomiques et des analyses isotopiques seront entreprises afin de reconstituer l’origine géographique et la mobilité des individus.

Aménagement : Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Île-de-France)
Prescription : SRA – Drac (Dorothée Chaoui-Derieux)
Recherche archéologique : Inrap
Responsables scientifiques d’opération Inrap : Christophe Besnier, Hélène Civalleri, Camille Colonna, Patricia Guinchard-Panseri, Guillaume Hulin, Xavier Peixoto, Agnès Poyeton, Boris Robin

Photo : fouille au CHU de Toulouse du sarcophage et du squelette de l’inconnu mis au jour dans la croisée du transept et attribué à Joachim du Bellay par une étude. Son traitement funéraire indique un statut aristocratique (crâne scié, embaumement). © Denis Gliksman, Inrap